Le Hamas affirme qu’un bombardement a touché l’enceinte de l’hôpital Ahli-Arab, situé dans le centre-ville. L’armée israélienne affirme qu’il s’agit d’une roquette palestinienne. Le président américain Joe Biden est attendu dans la région mercredi.

La rédaction de Mediapart

17 octobre 2023 à 08h02

Au moins 500 personnes ont été tuées mardi soir 17 octobre dans une frappe israélienne sur l’enceinte de l’hôpital baptiste Ahli-Arab, dans le centre de Gaza City, ont rapporté les autorités de l’enclave palestinienne citées par plusieurs médias. Dans un précédent communiqué, le ministère de la santé du territoire palestinien contrôlé par le Hamas faisait état de « 200 à 300 martyrs ».

Le ministère palestinien de la santé a déclaré que le nombre de victimes devrait augmenter. De nombreux civils s’étaient réfugiés dans l’hôpital Ahli-Arab avant qu’il ne soit touché.

Selon le ministère de la santé de Gaza, l’établissement avait déjà été la cible d’une attaque quelques jours auparavant afin d’envoyer un « message ». Le bureau médias du Hamas a dénoncé « un nouveau crime de guerre de l’occupation [par Israël – ndlr] » et indiqué que « des centaines de patients, de blessés et de déplacés » se trouvaient dans l’établissement, qui appartient et est géré par le diocèse épiscopal de Jérusalem, selon Eileen Spencer, responsable de la branche américaine de collecte de fonds pour le diocèse, citée par le Washington Post

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Des Gazaouis blessés amenés à l’hôpital Al-Shifa après l’explosion survenue à l’hôpital Ahli-Arab. © Photo Ali Jadallah / Anadolu via AF

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L’armée israélienne, dans un communiqué cité par plusieurs médias israéliens, a déclaré que l’explosion était due à un tir de roquette raté du Jihad islamique, se basant sur « les informations des services de renseignement ». Dans un communiqué, l’armée israélienne déclare que « d’après une analyse des systèmes opérationnels de l’armée israélienne, un barrage de roquettes ennemies a été effectué en direction d’Israël, qui est passé à proximité de l’hôpital, lorsqu’il a été touché ».

Le président palestinien Mahmoud Abbas a condamné un « massacre » et décrété un deuil de trois jours dans les territoires palestiniens. Il a par ailleurs annulé sa rencontre avec le président américain Joe Biden, qui devait avoir lieu en Jordanie. 

Plus tôt, l’agence onusienne pour les réfugié·es palestiniens (UNRWA) a fait état de la mort de six personnes qui avaient trouvé refuge dans une de ses écoles dans le centre de la bande de Gaza. Elles ont été tuées dans un raid israélien, selon la même source.

Depuis les attaques meurtrières du Hamas le 7 octobre, l’armée pilonne la bande de Gaza et se prépare à une offensive terrestre, provoquant de très larges mouvements de population dans cette petite enclave soumise à un blocus israélien terrestre, aérien et maritime depuis quinze ans.

Plus de 1 400 personnes ont été tuées en Israël depuis le 7 octobre, selon les derniers chiffres fournis par des responsables israéliens. Quelque 3 000 personnes ont été tuées et 12 500 blessées dans les frappes israéliennes de représailles sur la bande de Gaza, selon un bilan donné par les autorités locales avant l’explosion à l’hôpital de Gaza. Un million de personnes, selon l’ONU, ont fui en une semaine le nord de la bande de Gaza vers le sud du territoire.

Manifestations anti-Abbas en Cisjordanie

Des heurts ont éclaté mardi soir entre manifestants appelant au départ du président palestinien Mahmoud Abbas et ses forces de sécurité à Ramallah en Cisjordanie occupée, ont constaté des journalistes de l’AFP.

Les forces de sécurité de l’Autorité palestinienne ont tiré des grenades de gaz lacrymogène lors de la manifestation, qui a commencé peu de temps après l’annonce de l’explosion d’un hôpital à Gaza. « Dégage ! », « Le peuple veut la chute du président », ont scandé les manifestants.

À Naplouse, plus au nord, des Palestiniens ont manifesté en brandissant des drapeaux du Hamas, a constaté un journaliste de l’AFP.

Le président Abbas avait estimé dimanche, d’après une dépêche de l’agence de presse officielle Wafa, que « les politiques et les actions du Hamas ne représentent pas le peuple palestinien », à propos de l’attaque sanglante menée par des commandos du mouvement islamiste sur le sol israélien le 7 octobre. Cette phrase avait ensuite été supprimée dans une nouvelle version publiée par l’agence.

Le Hamas admet la mort d’un de ses commandants militaires

Le Hamas a annoncé mardi la mort d’un de ses commandants militaires, dans une frappe israélienne sur le centre de la bande de Gaza, au onzième jour d’une guerre qui a fait des milliers de morts.

Aymane Nofal, un commandant des Brigades Al-Qassam, branche armée du Hamas, a été tué dans une frappe « sioniste barbare » sur le camp de réfugié·es de Bureij, indique un court communiqué. Sollicitée par l’AFP, l’armée israélienne n’a pas commenté dans l’immédiat.

Dans la nuit, elle avait affirmé avoir tué un autre membre du Hamas, Ossama Mazini, ce que le groupe armé n’avait pas commenté.

Lundi soir, le Hamas avait affirmé n’avoir « pas peur » d’une offensive terrestre d’Israël, qui a massé ses soldats le long de la bande de Gaza. « La menace de l’occupation [israélienne – ndlr] de lancer une offensive terrestre contre notre peuple ne nous fait pas peur et nous y sommes prêts », avait déclaré le porte-parole de la branche armée du Hamas, Abou Obeida, dans un enregistrement audio.

Abou Obeida a affirmé que le nombre d’otages à Gaza était de « 200 à 250 », précisant que 200 d’entre eux étaient aux mains des Brigades Al-Qassam, la branche armée du Hamas, et que d’autres « factions de la résistance » détenaient le reste des captifs. « Nous libérerons les détenus étrangers si les conditions sont réunies », a-t-il ajouté, sans précision.

Il a redit que 22 otages avaient été tués par des raids israéliens sur la bande de Gaza.

Le Hamas diffuse la vidéo d’une otage franco-israélienne

Le Hamas a par ailleurs diffusé lundi sur son compte officiel Telegram la vidéo d’« une des prisonnières à Gaza », une jeune femme éveillée et allongée, blessée au bras. Il s’agit de Mia Schem, qui détient aussi la nationalité française : elle explique face caméra qu’elle est grièvement blessée au bras et à la main, comme on peut le voir au début de la vidéo, mais qu’on s’occupe bien d’elle, qu’on lui a donné des médicaments. Elle demande qu’on la ramène au plus vite à la maison. C’est la première fois qu’une vidéo d’otage est divulguée par le Hamas depuis le début de la guerre déclenchée le 7 octobre dernier.  

La légende indique qu’elle a été enlevée « au premier jour » de l’attaque du Hamas sur le sol israélien, le 7 octobre.

La vidéo a été publiée sur la chaîne Telegram du Hamas peu après une déclaration d’Abu Obeida, porte-parole de la branche militaire du Hamas, selon laquelle le groupe détient environ 200 prisonniers israéliens, a précisé le quotidien israélien Haaretz. Selon Abu Obeida, les captifs sont traités avec dignité et respect. Vingt-deux d’entre eux ont été tués lors de frappes aériennes de l’armée de l’air israélienne dans la bande de Gaza, a-t-il affirmé.

L’armée israélienne a indiqué être en contact permanent avec la famille de Mia Schem et condamné le Hamas comme « organisation terroriste meurtrière ». « Dans la vidéo, le Hamas tente de se présenter comme une organisation humaine, alors qu’il est responsable du meurtre et de l’enlèvement de bébés, de femmes, d’enfants et de personnes âgées », a dénoncé l’armée israélienne.

600 000 habitants de Gaza déplacés

Selon le porte-parole des Forces de défense israéliennes, Jonathan Conricus, cité par The Guardian, 600 000 habitant·es de Gaza ont évacué·es la zone de la ville de Gaza, dans le nord de l’enclave palestinienne, à la suite des avertissements lancés par l’armée israélienne vendredi. Lors de son point quotidien mardi 17 octobre, Jonathan Conricus a déclaré que 100 000 personnes n’étaient toujours pas parties. Israël a demandé à la population de quitter la zone de la ville de Gaza avant ce qu’il appelle des « opérations militaires renforcées » dans les jours à venir. Jonathan Conricus a déclaré que les opérations commenceraient « lorsque le moment sera opportun ».

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Dans le camp de réfugiés de Rafah, dans le sud de Gaza, après une frappe aérienne israélienne le 17 octobre 2023. © Photo Said Khatib / AFP

Une attaque terrestre de la bande de Gaza semblait imminente ces jours derniers. L’armée laisse toutefois planer le doute. Ainsi, mardi matin, un autre porte-parole de l’armée israélienne, le lieutenant-colonel Richard Hecht, a indiqué que ces plans pourraient ne pas correspondre aux attentes généralisées d’une offensive terrestre imminente. « Nous nous préparons pour les prochaines étapes de la guerre. Nous n’avons pas encore dit ce qu’elles seront. Tout le monde parle de l’offensive terrestre. Il pourrait s’agir de quelque chose de différent », a déclaré ce porte-parole international de l’armée israélienne, lors d’une réunion avec les journalistes.

Interrogé sur le fait de savoir si la visite du président américain Joe Biden retardera les opérations terrestres, Jonathan Conricus a répondu qu’il n’en savait rien, mais qu’il ne pensait pas que ce serait le cas. L’objectif de la visite de Joe Biden n’est pas d’« entraver » les opérations israéliennes, a-t-il déclaré. 

Biden sur place mercredi, après Scholz

Le président américain est attendu en Israël mercredi pour une visite de solidarité après l’attaque du Hamas, avant de se rendre en Jordanie, a annoncé le secrétaire d’État Antony Blinken. « Le président réaffirmera la solidarité des États-Unis avec Israël et notre engagement sans faille en faveur de sa sécurité », a déclaré Antony Blinken tôt mardi, à l’issue d’une nuit d’entretiens à Tel-Aviv avec le premier ministre Benyamin Nétanyahou.

« Israël a le droit et le devoir de défendre son peuple contre le Hamas et d’autres terroristes, et de prévenir de futures attaques », a ajouté le chef de la diplomatie américaine. Joe Biden « entendra de la bouche d’Israël ce dont il a besoin pour défendre son peuple et [les États-Unis continueront] à travailler avec le Congrès pour répondre à ces besoins », a-t-il poursuivi.

Il a annoncé que les États-Unis avaient également obtenu des garanties de la part d’Israël concernant l’acheminement de l’aide humanitaire étrangère dans la bande de Gaza sous blocus, au moment où Israël prépare une offensive terrestre contre le territoire gouverné par le mouvement islamiste Hamas.

Joe Biden espère « entendre de la part d’Israël comment il mènera ses opérations de manière à minimiser les pertes civiles et à permettre l’acheminement de l’aide humanitaire aux civils de Gaza d’une manière qui ne profite pas au Hamas », a déclaré Blinken. « À notre demande, les États-Unis et Israël ont accepté d’élaborer un plan qui permettra à l’aide humanitaire des pays donateurs et des organisations multilatérales d’atteindre les civils de Gaza », a-t-il expliqué.

À l’issue de sa visite en Israël, Joe Biden se rendra à Amman, en Jordanie, où il rencontrera le roi Abdallah II, le président égyptien Abdel Fattah al-Sissi et le dirigeant de l’Autorité palestinienne Mahmoud Abbas, a dit lundi un porte-parole de la Maison Blanche. Cependant, l’annonce de cette rencontre devrait être largement bousculée par le bombardement d’un hôpital dans la ville de Gaza (voir plus haut).

Arrivé en Israël mardi après-midi, le chancelier allemand Olaf Scholz est le premier chef de gouvernement à se rendre en Israël depuis l’attaque du Hamas. Lundi 16 octobre, Olaf Scholz avait annoncé se rendre dans l’État hébreu pour montrer sa « solidarité ». « C’est très important, précisément en ce moment, pour la population israélienne et pour le pays », a-t-il dit, réaffirmant qu’à ses yeux Israël avait « tout à fait le droit de défendre ».

Olaf Scholz a également annoncé qu’il se rendrait ensuite en Égypte. Il a dit vouloir aussi, sur place, « parler de questions concrètes concernant en particulier la situation sécuritaire et comment éviter une escalade du conflit vers d’autres régions ». Le chancelier allemand a dit enfin vouloir aborder « la question de savoir comment organiser l’aide humanitaire », alors que l’inquiétude pour la population civile de la bande de Gaza grandit.

500 000 déplacés en Israël

Près de 500 000 Israélien·nes sont déplacé·es à l’intérieur de leur pays depuis les attaques du 7 octobre, a indiqué un porte-parole de l’armée israélienne lors d’un point de presse mardi. « Environ un demi-million d’Israéliens sont déplacés » à l’intérieur des frontières d’Israël. « Nous avons évacué tout le sud d’Israël, toutes les localités près de la bande de Gaza, à la suite des directives du gouvernement […]. Nous avons fait de même dans le nord, où vingt localités près de la frontière ont été évacuées », a déclaré Jonathan Conricus.

« La plupart de ces gens sont partis de leur propre initiative et maintenant il y a une évacuation de la ville de Sdérot (sud d’Israël). » « Nous ne voulons pas de civils près des zones de combat. Nous voulons avant tout protéger nos citoyens contre les effets dévastateurs de la guerre », a-t-il dit.

« Les personnes déplacées ont trouvé refuge chez des proches dans le centre du pays, des zones qui sont plus sûres. » « Il s’agit d’un déplacement de population significatif en Israël et dont on parle très peu. La situation à Gaza est pire », a-t-il aussi admis.

Quatre assaillants tués dans une tentative d’infiltration du Liban

L’armée israélienne a annoncé mardi avoir tué quatre assaillants lors d’une tentative d’infiltration à la frontière avec le Liban (nord d’Israël), sur fond de violences qui y ont éclaté ces derniers jours dans la foulée de la guerre entre Israël et le Hamas.

Dans un communiqué, l’armée a indiqué que ses soldats avaient « repéré une escouade terroriste tentant de s’infiltrer à travers la barrière de sécurité depuis le Liban et déposer un engin explosif », précisant que quatre personnes avaient été tuées. Elle avait auparavant déclaré avoir frappé dans la nuit de lundi à mardi des cibles du Hezbollah au Liban.

Depuis le début de la guerre Israël-Hamas, les affrontements à la frontière Israël-Liban ont fait plus d’une dizaine de morts côté libanais, en majorité des combattants mais aussi un journaliste de l’agence Reuters et deux civils. Côté israélien, au moins deux personnes ont été tuées.

La communauté internationale redoute un débordement du conflit entre le Hezbollah libanais pro-iranien, un allié du Hamas, et l’armée israélienne. Israël a commencé d’évacuer des milliers d’habitant·es dans 28 localités du nord du pays après ces accrochages à la frontière.

La rédaction de Mediapart

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