Trente Palestiniens ont été libérés mercredi en échange de dix otages israéliens à Gaza dont cinq binationaux. Les médiateurs internationaux multiplient les efforts pour obtenir un arrêt durable de la guerre entre le mouvement palestinien et Israël.

La rédaction de Mediapart

29 novembre 2023 à 09h23

Trente Palestiniens, dont 16 mineurs et 14 femmes, ont été libérés mercredi en échange de 10 otages israéliens à Gaza dont cinq binationaux (un Néerlandais, trois Allemands, un Américain), a annoncé le porte-parole du ministère des affaires étrangères du Qatar. Deux citoyens russes et quatre citoyens thaïlandais ont été en outre libérés par le Hamas en dehors de l’accord et remis à la Croix-Rouge internationale, a ajouté le porte-parole.

Au sixième jour de cette trêve qui a permis l’entrée d’aides humanitaires dans le territoire palestinien assiégé, dévasté par sept semaines de bombardements israéliens, une source proche du Hamas a indiqué mercredi à l’AFP que le mouvement islamiste était « d’accord » pour la prolonger « de quatre jours » supplémentaires et libérer des otages israéliens, « dans le cadre de l’accord actuel et aux mêmes conditions ». La trêve en cours est censée prendre fin jeudi.

Un haut responsable du Hamas a en outre indiqué mercredi que le mouvement islamiste était prêt à libérer tous les soldats israéliens qu’il détenait en échange de tous les Palestiniens emprisonnés en Israël.

« Nous sommes prêts à libérer tous les soldats en échange de tous nos prisonniers », a déclaré Bassem Naim, haut responsable du Hamas et ancien ministre de la qanté à Gaza, lors d’une conférence de presse dans la ville sud-africaine du Cap. Les organisations palestiniennes affirment que plus de 7 000 palestiniens sont détenus dans les prisons israéliennes.

L’armée israélienne a par ailleurs déclaré mercredi « vérifier » l’annonce par le Hamas de la mort d’un bébé de dix mois, le plus jeune des otages enlevés le 7 octobre, de sa mère et de son frère de quatre ans. « Nous avons confirmé il y a deux ou trois semaines que 60 Israéliens avaient été tués dans des bombardements israéliens et sont toujours sous les décombres, a ajouté Bassem Naim. Cette femme et ses deux enfants font partie du nombre, je peux le confirmer. »

Le 7 octobre, des commandos du Hamas infiltrés depuis la bande de Gaza voisine ont lancé une attaque en Israël, d’une ampleur inédite. Environ 1 200 personnes, en grande majorité des civils, selon les autorités, ont été tuées dans l’attaque. L’armée israélienne a estimé à environ 240 le nombre de personnes enlevées ce jour-là. Le Hamas a dit détenir la majorité des otages. Les autres sont aux mains d’autres groupes armés palestiniens à Gaza.

En représailles, Israël a promis d’« anéantir » le Hamas, au pouvoir depuis 2007 à Gaza, pilonnant le territoire palestinien et lançant le 27 octobre une offensive terrestre, jusqu’à la trêve entrée en vigueur le 24 novembre. D’après le gouvernement du Hamas, 14 854 personnes, dont 6 150 âgées de moins de 18 ans, ont été tuées dans les frappes israéliennes.

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29 novembre 2023

Dans l’objectif de prolonger la trêve, les pays médiateurs redoublent d’efforts et le secrétaire d’État américain Antony Blinken doit avoir des entretiens jeudi en Israël et en Cisjordanie. « Nous souhaiterions voir cette pause prolongée », a-t-il affirmé à Bruxelles. Cette prolongation « signifie plus d’otages qui rentrent chez eux, plus d’aides ».

Depuis le 24 novembre, le Hamas a relâché chaque jour une dizaine de femmes et d’enfants, contre la libération de trois fois plus de prisonniers palestiniens.

L’accord de trêve a déjà permis la libération au total de 70 otages israéliens et de 210 détenus palestiniens. En outre, 29 autres otages, en majorité des Thaïlandais vivant en Israël, ont été libérés hors du cadre de cet accord.

Peu de témoignages directs ont filtré sur les conditions de vie des otages à Gaza. Mais la grand-mère d’Eitan Yahalomi, un enfant de 12 ans libéré lundi, a raconté qu’il avait été détenu à l’isolement pendant seize jours. « Les jours où il a été seul ont été horribles », a déclaré Esther Yaeli au site d’information israélien Walla.

À Jérusalem-Est, occupée et annexée par Israël, Ahmed Salaima, un ex-détenu palestinien de 14 ans, a retrouvé sa famille mardi soir. Il s’agit du plus jeune prisonnier palestinien à avoir été libéré depuis le 24 novembre. « Je ne remercierai jamais assez Dieu pour la libération de mon fils », s’est exclamé son père, Nayef Salaima.

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La prisonnière palestinienne Rouba Assi est portée en triomphe après sa libération par Israël, le 28 novembre 2023 à Ramallah (Cisjordanie). © Photo Kenzo Tribouillard / AFP

« Une catastrophe humanitaire monumentale » à Gaza, selon le patron de l’ONU

Une reprise des combats risquerait de provoquer « un désastre qui pourrait engloutir la région », a mis en garde le chef de la diplomatie chinoise, Wang Yi, qui présidait une réunion du Conseil de sécurité de l’ONU. « Notre peuple fait face à une menace existentielle », a averti à l’ONU le ministre palestinien des affaires étrangères, Riyad al-Maliki.

Malgré la « lueur d’espoir » apportée par la trêve, les habitants de Gaza vivent « une catastrophe humanitaire monumentale », a dénoncé le patron de l’ONU, António Guterres, réclamant un « véritable cessez-le-feu humanitaire ». Il a aussi réclamé la libération de tous les otages à Gaza « immédiatement et sans condition ».

Déjà soumis à un blocus israélien terrestre, maritime et aérien depuis 2007, le petit territoire surpeuplé a été placé le 9 octobre en état de siège total par Israël. Selon l’ONU, 1,7 million de ses 2,4 millions d’habitants ont été déplacés par la guerre et plus de la moitié des logements ont été endommagés ou détruits.

Selon un responsable américain, la quantité d’aide humanitaire arrivée par la route, au rythme actuel de 240 camions par jour, totalise désormais 2 000 camions de nourriture, de carburant, de médicaments et de matériel nécessaire au fonctionnement des infrastructures de désalinisation de l’eau de mer.

« Nous n’avons ni eau, ni nourriture, ni farine depuis dix jours. La situation est dure, très dure », raconte à l’AFP Achraf Selim, un habitant de Gaza.

Des milliers de Palestiniens, déplacés dans le sud de la bande de Gaza, ont profité de la trêve pour rentrer chez eux dans le nord, la région la plus dévastée, ignorant l’interdiction de l’armée israélienne qui y a pris le contrôle de plusieurs secteurs.

Mercredi dans la ville de Gaza, des gens portant des bidons faisaient la queue près d’une citerne pour s’approvisionner en eau potable. « Les gens arrivent ici à pied, de loin, d’environ 10, 20 ou 30 kilomètres, simplement pour obtenir de l’eau potable », a expliqué à l’AFP Mohammed Matar, le propriétaire d’une installation de dessalinisation de l’eau.

Dans la même ville, à l’hôpital Al-Nasr, cinq bébés prématurés ont été découverts morts, a affirmé le porte-parole du ministère de la santé du Hamas, Ashraf al-Qidreh, en accusant les soldats israéliens de les avoir privés de soins en empêchant les médecins de les approcher.

L’armée israélienne tue deux enfants de 8 et 15 ans à Jénine

Un enfant de 8 ans et un adolescent de 15 ans ont été tués mercredi par l’armée israélienne à Jénine, ville du nord de la Cisjordanie occupée et régulièrement théâtre d’incursions militaires israéliennes, rapporte le ministère palestinien de la santé.

Dans le même temps, l’armée israélienne a arrêté un enfant de 12 ans dans le camp de réfugiés de Jalazone, à Ramallah, a rapporté le Club des prisonniers, une ONG palestinienne.

À Jénine, le ministère indique que « les deux enfants Adam al-Ghoul, huit ans, et Bassem Abou el-Wafa, 15 ans, ont été tués par des balles de l’occupant » israélien.

Un responsable du Croissant-Rouge palestinien a précisé à l’AFP que l’enfant et l’adolescent se trouvaient « dans une rue perpendiculaire à l’avenue principale du centre-ville de Jénine », une zone théoriquement interdite à l’armée israélienne car sous contrôle de la seule Autorité palestinienne.

Des images de vidéosurveillance mises en ligne montrent un enfant fauché par une balle dans une rue alors que le tir fait fuir en courant d’autres enfants alentour.

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D’autres images montrent un adolescent également touché par une balle. Alors que d’autres balles s’écrasent au sol autour de lui, il s’écroule et semble appeler à l’aide alors que cinq autres adolescents courent se réfugier derrière des voitures ou dans un magasin. Le garçon se débat au sol, agonisant, durant au moins une demi-minute.

Interrogée par l’AFP, l’armée israélienne a dit « vérifier » ces informations.

Elle a toutefois fait état d’un raid nocturne dans le camp de réfugiés de Jénine au cours duquel elle a « tué deux terroristes de haut rang » dont l’un était recherché pour deux attaques ayant tué et blessé des Israéliens.

Le Croissant-Rouge a rapporté avoir secouru six Palestiniens blessés par balles lors de cette incursion.

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Depuis le 7 octobre, la violence a flambé en Cisjordanie : près de 240 Palestiniens y ont été tués par des soldats ou des colons israéliens, selon le ministère palestinien de la santé.

À Jalazone, le père de Karim Ghawanmeh, 12 ans, a raconté à l’AFP avoir reçu un « appel dans la nuit » effectué par son frère en présence de soldats israéliens. « Un officier a dit : soit Karim vient maintenant et nous l’arrêtons, soit vous nous l’amenez demain matin », raconte encore Mahmoud Ghawanmeh citant son frère.

« Je n’ai pas eu d’autre choix que de me présenter avec lui le matin, j’ai cru que je serais avec lui pour son interrogatoire, mais l’officier m’a dit de rentrer chez moi », poursuit-il, sans préciser ce qui était reproché à son fils.

Là aussi, l’armée israélienne n’a pas souhaité commenter dans l’immédiat.

La rédaction de Mediapart

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