Une sixième manifestation s’est déroulée mercredi 8 novembre devant le siège du Parti socialiste, à Madrid. Toute une myriade de groupes d’extrême droite se mobilise, au moment où le socialiste vient de s’accorder avec les indépendantistes catalans, afin de garantir son investiture. Passage en revue.

Ángel Munárriz (InfoLibre)

9 novembre 2023 à 14h10

Madrid (Espagne).– Pour la sixième soirée d’affilée, des manifestant·es se sont rassemblé·es mercredi 8 novembre au soir devant le siège du Parti socialiste ouvrier espagnol (PSOE) à Madrid et dans d’autres villes d’Espagne. Ils et elles protestent contre le projet de loi d’amnistie qui devrait bénéficier à des indépendantistes catalans. Cette amnistie est la condition que Junts (droite indépendantiste), formation de Carles Puigdemont, exilé à Bruxelles, a posée pour donner son soutien au PSOE en vue de l’investiture de Pedro Sánchez, chef du gouvernement sortant.

L’accord entre le PSOE et Junts a été annoncé jeudi 9 novembre, et le contenu précis du projet de loi d’amnistie doit être présenté la semaine prochaine (télécharger le contenu du texte ici chez notre partenaire InfoLibre). Pedro Sánchez, dont le parti PSOE est arrivé en deuxième position lors des législatives du 26 juillet, devrait être investi par une majorité au Congrès des député·es le 16 novembre, à l’issue de deux jours de débats.

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Lors de la manifestation contre le projet d’amnistie des indépendantistes catalans à Madrid, le 8 novembre 2023. © Photo Oscar del Pozo / AFP

Mardi soir, environ 7 000 manifestant·es s’étaient retrouvé·es, aux cris de « L’Espagne on ne la vend pas, on la défend », « Pedro Sánchez en prison », « Sánchez pédale, que Puigdemont vote pour toi » ou encore « Espagne chrétienne, pas musulmane ». Des chants franquistes ont retenti. Les photos montrent aussi des saluts nazis. La présence d’Isabel Peralta a été remarquée à Madrid : cette jeune néonazie avait été interdite d’entrée par l’Allemagne l’an dernier, parce qu’elle transportait dans ses bagages une copie de Mein Kampf et un porte-clés avec une croix gammée.

Six personnes ont été arrêtées mardi, quarante autres blessées. La mobilisation fut moins importante (environ 1 500 personnes, selon l’exécutif) et un peu plus calme dans la nuit de mercredi à jeudi, malgré l’agression d’une équipe de journalistes de la télévision catalane Antena 3.

Cela fait des semaines que les droites, c’est-à-dire le Parti populaire (PP), arrivé en tête des législatives en juillet, mais sans majorité absolue, et Vox, parti d’extrême droite arrivé troisième, appellent à la mobilisation populaire pour protester contre ce projet d’amnistie. Le 12 septembre, José María Aznar, ancien chef de gouvernement désormais président d’honneur du PP, appelait à une « mobilisation nationale » contre ce projet.

Mais les rassemblements des derniers jours, plus restreints et plus violents, sont impulsés plus directement par Vox. Son patron, Santiago Abascal, a participé à l’un des rassemblements. Sans surprise, cette formation, qui a surgi dans le paysage politique en réaction au « procès » en cours pour l’indépendance de la Catalogne, cherche à profiter du moment pour revenir au premier plan de la scène, dans le rôle d’opposante en cheffe au PSOE, après une fin de campagne décevante cet été.

Au départ, le PP s’est interrogé avec Vox sur l’attitude des forces de l’ordre lors de la manifestation de lundi soir, avant d’adopter un registre plus critique et de se démarquer des rassemblements, quand Vox continue de les défendre et ironise sur le caractère « pusillanime » du PP. Au-delà des seul·es militant·es de Vox, ces rassemblements drainent une myriade de groupes d’extrême droite qui, dans certains cas, débordent même le parti. Qui sont-ils exactement ? Passage en revue.

Des organisations liées à Vox

L’association de jeunesse Revuelta – qui, comme l’a remarqué le journal El País, est liée à un site internet où il est possible d’adhérer à l’association, mais n’est enregistrée dans aucun registre national, ce qui en fait à ce stade une association fantôme –, le syndicat Solidaridad, structurellement intégré à Vox, et Tercios Cívicos, membre de la constellation de groupes radicaux liés à la formation de Santiago Abascal et actif durant la campagne des législatives, ont tous trois appelé aux rassemblements.

Des groupes néonazis

Le parti Démocratie nationale (DN), considéré comme néonazi par des spécialistes de l’extrême droite, était en première ligne de la contestation à Madrid. Son président, Pedro Chaparro, a occupé le devant de la scène en proclamant, mégaphone à la main : « C’est le PSOE du 11-Mars [en référence aux attentats terroristes de 2004 – ndlr], c’est le PSOE de la dictature sanitaire, c’est le PSOE de la libération des prisonniers de l’ETA. »

Chaparro, qui a été reconnu coupable et emprisonné pour l’attaque de la librairie catalane Blanquerna à Madrid en 2013 et qui est toujours sous « surveillance pénitentiaire », a enregistré une vidéo (ci-dessous) avec Pablo Lucini, délégué de Démocratie nationale à Madrid, dans laquelle il critique la réponse policière contre les « patriotes » qui manifestent pour « l’unité sacrée de l’Espagne ».

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Des militants d’un autre groupe néonazi, Bastión Frontal (raison pour laquelle la sécurité policière a été un peu plus renforcée aux abords des sièges du PSOE, écrit El Confidencial), mais aussi de la Phalange, sont aussi présents. Parmi les participants de lundi se trouvait Manuel Andrino, leader national de la Phalange, qui a déclaré ce soir-là : « Tant qu’il y aura une poignée de patriotes et de phalangistes, nous essaierons de l’empêcher, même si cela nous coûte la prison, même si cela nous coûte la vie. Camarades, arriba España ! [slogan franquiste – ndlr]. »

Un militant d’extrême droite anti-squats

Autre soutien de l’offensive anti-PSOE : Desokupa, une plateforme d’extrême droite qui s’est spécialisée dans l’expulsion de locataires endetté·es hors de tout cadre judiciaire, par ailleurs entreprise d’une dizaine de salarié·es aux allures de parti politique. Dans une vidéo sur Instagram, son patron, Daniel Esteve, expliquait les raisons de sa présence mardi soir : « Il y aura un avant et un après, je peux vous l’assurer. Je ne serai pas celui qui jettera la première pierre, bien sûr […]. C’est-à-dire jusqu’à ce que quelqu’un lance la première balle en caoutchouc. […] Tic-tac, “Pedrito” [le surnom de Pedro Sánchez – ndlr]. Tu viens de commencer quelque chose que tu ne pourras pas arrêter. »

Des conspirationnistes

Daniel Esteve est ami d’Alvise Pérez, un relais habituel des théories conspirationnistes (300 000 abonné·es sur son canal Telegram), qui a aussi mobilisé pour participer aux rassemblements anti-PSOE. Autre figure du milieu : Luis del Pino, l’un des propagateurs des théories conspirationnistes sur les attentats de 2004 (qui avaient dans un premier temps été attribués à l’ETA), diffuse aujourd’hui ses théories à travers esRadio, la station de Federico Jiménez Losantos, figure du journalisme d’extrême droite espagnol. Devant le siège du PSOE lundi soir, des slogans comme « Ce qui s’est passé le 11-M [référence aux attentats du 11 mars 2004 – ndlr], ce qui s’est passé le 11-M » ont été entendus.

En quête de notoriété dans ce paysage de « l’antipolitique », Rubén Gisbert a également annoncé sa participation à la manifestation de mardi. Il se dit à la tête d’une supposée « Junte démocratique », une plateforme soutenue par des influenceurs et des relais traditionnels de l’antiféminisme.

Les ultracatholiques de Hazte Oír

La droite ultracatholique occupe aussi un rôle de premier plan dans cette « révolte » contre le PSOE. Hazte Oír (« Fais-toi entendre »), le groupe dirigé par Ignacio Arsuaga qui milite depuis 2001 contre l’avortement et contre le mariage accordé aux personnes de même sexe, et proche des milieux de Vox, a relayé tous les appels au rassemblement lancés par Revuelta et accroché un drapeau espagnol avec le message « Pas d’amnistie » devant le siège du PSOE à Madrid.

Ángel Munárriz (InfoLibre)

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