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À quel moment les combats pour la décolonisation ont-ils débuté ? Peut-être le premier jour de la colonisation. Toutefois, c’est après la Seconde Guerre mondiale que s’ouvrent trois décennies de conflits entre la France et ses anciennes colonies, une période marquée par “du sang et des larmes”.

Des Algériens de Paris célèbrent en famille l'indépendance de l'Algérie le 5 juillet 1962 dans le quartier de la Goutte d'Or. Crédits : UPI / AFP
Des Algériens de Paris célèbrent en famille l’indépendance de l’Algérie le 5 juillet 1962 dans le quartier de la Goutte d’Or. Crédits : UPI / AFP

Le 6 mai 1931, le président de la République Gaston Doumergue s’est mis sur son 31. Il se rend au bois de Vincennes, à l’est de Paris, pour inaugurer l’Exposition coloniale internationale de Paris. L’événement est d’importance : la France expose sa puissance, son orgueil, son Empire. Le spectacle s’annonce sensationnel.

Une promesse est faite au visiteur : c’est “Le tour du monde en un jour”. La formule-choc apparaît sur l’affiche de l’Exposition qui représente quatre visages, ceux des stéréotypes des peuples dominés : un arabe la tête couverte d’un chèche ; un noir le torse nu ; un asiatique avec son chapeau pointu ; un Indien d’Amérique avec son collier de dents de fauves. Il y a tant de choses à voir : le palais des Colonies, le temple cambodgien d’Angkor, le pavillon de l’Afrique occidentale française qui s’inspire de la mosquée de Djenné au Mali. Des objets et même des gens sont exposés. Oui, le spectacle est sensationnel. Il est même possible de repartir avec un petit souvenir exotique : un chèche, un fez ou un chapeau pointu.

“Avoir un empire est devenu banal en 1931. Pour une partie des grandes puissances occidentales, c’est la règle pour être une grande nation. C’est (considéré comme) normal pour éveiller le monde à la modernité, logique pour l’exploitation des biens qui permettent au pays de s’enrichir et gérer le commerce international, c’est ‘la normalité’ de l’histoire du monde”, explique l’historien Pascal Blanchard. “On est dans la dernière génération des empires. Tout cela est rentré dans les mœurs parce que la propagande a fait son travail : les expositions (coloniales) ne sont pas juste le plaisir de faire le tour du monde en un jour, mais œuvre de propagande très structurée, très organisée, qui donne un sentiment d’appartenance.”

Ce qui a fait rêver semble aujourd’hui sidérant. Quels souvenirs restent-ils de la colonisation… et des décolonisations ? Quelles mémoires aussi ?

“Il y a des mémoires qui cohabitent et qui, pour moi, ne sont pas contradictoires”, confie Leïla Foughali, témoin du documentaire Décolonisations : du sang et des larmes de Pascal Blanchard et David Korn-Brzoza. “L’histoire est complexe et je pense qu’il faut que l’on discute tous ensemble. J’ai du mal à comprendre la posture de l’État français, c’est-à-dire de ne pas regarder en face cette histoire-là, parce qu’elle ne va pas disparaître et nous, les petits-enfants, nous allons transmettre cette histoire à la prochaine génération, et ainsi de suite”.

Pour en parler

Pascal Blanchard est historien et documentariste, spécialiste d’histoire coloniale, membre du laboratoire Communication et Politique du CNRS et co-directeur du groupe de recherche Achac. Il signe avec Nicolas Bancel et Sandrine Lemaire Décolonisations françaises. La chute d’un empire (La Martinière, 2020). Il a réalisé avec David Korn-Brzoza le film documentaire en deux volets Décolonisations : du sang et des larmes (France 2, 2020).

Leïla Foughali apporte sa voix au documentaire avec une trentaine de témoins, originaires d’une quinzaine de pays (France, Vietnam, Cameroun, Maroc, Algérie, Sénégal, Côte d’Ivoire, Bénin…) ou de départements ultramarins.

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