La quête de nos origines : un exercice sans cesse recommencé. D’où venons-nous ? Comment nos racines influencent-elles, ou pas, le cours de notre vie ? Ne faisons-nous finalement que répéter la même histoire que celle de nos ascendants, en l’adaptant comme nous pouvons aux contingences de notre époque ? Autant de questions que chacun se pose un jour ou l’autre. 

Mais la question est plus prégnante encore quand ceux qui nous ont précédés furent nomades, errants, migrants, fuyant un territoire invivable ou attirés par les lumières d’une terre promise.  Avec tous les non-dits et tous les secrets emportés dans leurs valises de fortune.

Les enfants de Cadillac, le livre de François Noudelmann, aborde ces thématiques, tout en introduisant une nouvelle question, inédite : « A quelles expériences familiales doit-on ce que l’on est devenu ? Comment les désirs des parents, leur volonté d’acquérir une identité, une place, une réputation se répercutent-ils sur les êtres qui leur succèdent ? ». Comment faire, surtout quand on ne connait rien, ou si peu, de nos parents, effacés par l’Histoire ? 

On comprendra tout l’enjeu de la question, lorsqu’on découvrira au fil des pages que le grand-père de l’auteur, fuyant la Lituanie et ses possibles pogroms, pour la France, s’engagea lors de la Grande Guerre pour acquérir cette « francité » à laquelle il aspirait, tout en gardant sa judéité. Il y fut blessé, gazé puis, à son retour, interné dans divers hôpitaux psychiatriques jusqu’à finir par mourir à celui de Cadillac, du fait de maltraitance et de malnutrition, sans aucune reconnaissance. Sur lui, pratiquement rien ne demeure. Alors il reste à l’auteur à s’en remettre autant à « l’imaginaire parental » qu’aux maigres documents qu’on aura bien voulu lui remettre. 

A ce grand-père succédera un père qui lui aussi endurera sa guerre, celle de 39-45, cinq ans de captivité dans un camp en pleine Silésie. Le retour sera douloureux, une errance s’en suivra dans son intimité autant que dans son parcours professionnel, fait de ruptures successives plus que de continuité.

Il restera donc au petit-fils à inventer une autre forme de récit, pour se construire : « A l’expression « venir de » qui déclenche la narration biographique pourrait se substituer celle de « tomber sur » qui ouvre l’avenue des bifurcations, des carrefours et des transferts : sur qui êtes-vous tombé ? ».

Les enfants de Cadillac (Éditions Gallimard) est un beau livre sur la quête des origines en terrain strictement inconnu, loin du confort des récits linéaires, comme tant de migrants l’ont connu. 

Pierre Mora

Pierre Mora est un écrivain bordelais (bèglais) auteur de plusieurs récits de voyage, à pied, chez Gypaètes, d’un récit des origines intitulé Leurs voyages, à propos de sa famille venue d’Espagne, et d’un beau roman L’année du grand incendie, les deux derniers publiés aux éditions du Festin. Bibliographie complète https://www.fnac.com/ia377404/Pierre-Mora

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