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Dans C l’hebdo, sur France 5, le garde des Sceaux Éric Dupond-Moretti a assuré ne même pas envisager que les migrants transitant par la France puissent être privés de nourriture ou voir leurs tentes lacérées. Ce qui est pourtant une réalité, comme le lui ont rappelé de nombreux travailleurs humanitaires.

MIGRANTS – “Pardon, mais on ne peut pas tout mélanger…” Samedi 27 novembre au soir, le garde des Sceaux Éric Dupond-Moretti s’est attiré l’ire des défenseurs et des associations d’aide aux migrants. Et pour cause: au cours de son passage dans C l’hebdo, sur France 5, le ministre de la Justice a voulu jouer sur un sujet pour le moins inopportun, le rôle du “ministre des droits de l’Homme” qu’il tente d’incarner depuis son arrivée à la Chancellerie

À la veille d’une réunion européenne contre le trafic migratoire qui s’est ouverte ce dimanche, et quelques jours après un drame qui a coûté la vie à 27 personnes tentant de traverser la Manche, l’ancien avocat a ainsi déclaré: “Je veux vous dire que le gouvernement, naturellement, n’a aucune posture hostile en ce sens que l’on permettrait impunément -rendez-vous compte!- de lacérer des tentes, et même qu’on l’encouragerait et qu’on ne distribuerait pas de vivres à ces migrants…” 

Et de poursuivre en évoquant des “drames inexplicables” avant de conclure: “Je ne veux pas qu’il y ait un seul téléspectateur qui ce soir puisse penser une chose pareille.” 

Associations indignées

Des propos qui ont fait bondir les associations et les travailleurs humanitaires, à l’instar du Secours Catholique, qui viennent en aide aux exilés des Alpes aux plages bordant la Manche

Sur Twitter, l’ancien journaliste Manuel Domergue, aujourd’hui militant contre le mal-logement et engagé auprès de la Fondation Abbé Pierre a notamment rappelé que ces derniers mois, les autorités sont plusieurs fois intervenues à Calais pour empêcher la distribution de nourriture aux migrants, que des tentes ont effectivement été détruites et des couvertures volées. 

Dans le même temps, l’avocate Céline Coupard, très engagée dans la défense des sans-papiers et des étrangers, a évoqué la difficulté pour les associations de soutenir ces populations d’exilés. “Pensée pour celles et ceux qui sont harcelé.e.s au quotidien et celles et ceux qui sont empêché.e.s d’apporter vivres et eaux à des personnes particulièrement vulnérables, et leur amener un peu d’humanité”, écrit-elle sur Twitter. 

Et l’agriculteur militant pour l’accueil des réfugiés Cédric Herrou d’ironiser sur la même plateforme: “Dans ce cas (si le ministre n’est pas au courant de directives commandant ces actions, ndlr), Éric Dupond-Moretti devrait ouvrir une enquête pour savoir qui ordonne la maltraitance des personnes en migration. À moins que des coups de cutters sur le bien d’autrui ne méritent pas que la justice s’en mêle

Pas d’ordre selon Dupond-Moretti

Car toujours sur le plateau de C l’hebdo, Éric Dupond-Moretti a semblé avoir la mémoire courte concernant certaines actions: en décembre 2017 par exemple, des tentes avaient été lacérées lors de la dispersion d’un campement de migrants à Paris, ou encore à Grand-Synthe en janvier dernier. “Je ne pense pas qu’il y ait un ordre gouvernemental pour lacérer des tentes et pour interdire que l’on distribue le strict minimum”, a-t-il néanmoins déclaré.

Et cela, après s’être positionné en opposition avec l’extrême droite qui a fait du refus de l’accueil des réfugiés un programme politique. “Le porte-parole du RN dit à propos des migrants coincés à la frontière polonaise qu’ils peuvent mourir de froid. Moi je ne peux pas me résoudre à laisser des migrants mourir de froid ou qu’on les laisse mourir noyés. Donc on fait tout pour sauver ces vies.” 

 Sur ces sujets, plutôt qu’un enjeu qui serait d’ordre institutionnel, Éric Dupond-Moretti a préféré évoquer la faute d’initiatives individuelles. “Qu’il y ait eu un certain nombre de dysfonctionnements…”, a-t-il évoqué, ne terminant même pas sa phrase avant d’ajouter que de toute façon, le ministre de l’Intérieur Gérald Darmanin était “intervenu” pour condamner ces exactions et sanctionner leurs responsables.

Une déclaration jugée oublieuse de la réalité pour Manuel Domergue et le journaliste Louis Witter, qui couvre de manière exhaustive la situation à Calais. Le premier a notamment rappelé que c’était la préfecture (soit le représentant au niveau local de l’État) qui avait interdit de nombreuses fois la distribution de nourriture aux exilés de Calais

Le journaliste a de son côté rappelé que la même institution avait mandaté des sociétés pour expulser violemment les migrants en détruisant leurs biens, et fait appel à la voirie pour bloquer à l’aide de pierres certains accès aux ONG.

Chaîne de commandement

“L’agent de nettoyage qui lacère la tente obéit au commissaire de police qui conduit l’opération qui obéit au sous-préfet qui obéit au préfet qui obéit au Ministre de l’Intérieur qui obéit au Président de la République. La chaîne est simple”, a finalement résumé le reporter dans un autre message publié sur Twitter. 

Dans la même veine, plusieurs personnalités politiques sont encore montées au créneau face aux propos du ministre de la Justice. L’élue régionale écologiste Marine Tondelier a par exemple précisé que des preuves des lacérations et de l’interdiction de nourriture existaient bel et bien. 

De son côté, la responsable presse des Insoumis à l’Assemblée nationale Juliette Prados a simplement rappelé que trois députés LFI avaient été verbalisés (tout comme des travailleurs humanitaires) en septembre 2020, alors qu’ils venaient de distribuer des repas, enfreignant ainsi l’arrêté préfectoral. 

Après ces très nombreux messages, le garde des Sceaux a soigneusement évité de relayer l’extrait de C l’hebdo ayant déclenché l’affaire sur les réseaux sociaux. Au contraire d’autres de ses interventions dans lesquelles il promouvait son action et le bon fonctionnement de la justice. 

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