E. Macron, 31 déc. 2022 : « Qui aurait pu prédire la crise climatique aux effets spectaculaires encore cet été ? » Je… Comment dire ? Le déni nous gouverne. Preuve en est faite : écologie, mais aussi féminisme, antiracisme, démocratie, la Macronie ne comprend rien à RIEN. A partir de quand envisager la destitution d’un pouvoir faisant preuve d’une telle indigence devant les enjeux à venir ?

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Mačko Dràgàn
Journaliste punk-à-chat à Mouais, Télé Chez Moi, Streetpress…
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On l’a assez entendu depuis le jour désormais trop lointain de son accession au pouvoir : notre petit président, qui à nous pauvres béotiens nous paraît tout nul, est en fait un véritable génie, du genre que le monde n’en connaît qu’une à deux fois par siècle. « Le président a acquis une vraie expertise sur les sujets sanitaires. Ce n’est pas un sujet inaccessible pour une intelligence comme la sienne et au regard du temps important qu’il y consacre depuis plusieurs mois », avait déclaré Blanquer pendant la pandémie, suscitant l’hilarité générale (sans doute pour la première fois de se vie, le fun n’étant pas son attribut premier). « C’est le chef de l’État le plus fascinant et intelligent que j’ai rencontré », a quant à lui déclaré Daniel Cohn-Bendit, confirmant ainsi involontairement que nous avons toujours été dirigés par des abrutis.

Et pourtant, ce 31 décembre, à l’occasion de vœux que personne ne lui demandait, confortablement juché sur son complexe de supériorité, voilà que Macron s’interroge : « Qui aurait pu prédire la crise climatique aux effets spectaculaires encore cet été ? », ce qui est tout de même la marque d’une indubitable connerie, ou d’une vie entière passée dans les décors du Truman Show. On conseille néanmoins à ses proches, le pauvre petit étant émotif, de ne pas lui apprendre pour la disparition des dodos, des dinosaures et des vidéos clubs, il ne s’en remettrait pas et risquerait de vouloir noyer sa peine dans l’excès de Cacolac.

« Le pire est que Macron est probablement sincère », écrit Daniel Schneidermann dans son billet du matin. C’est à craindre, hélas : il est possiblement sincèrement con, convaincu que rien au monde n’aurait pu nous mettre la puce à l’oreille sur ce fichu réchauffement climatique, et sur les mégafeux, inondations, canicules et autres divers épisodes pré-apocalytiques que bon nombre de gens subissent et/ou observent depuis des années mais que lui-même a semble-t-il découverts cet été à la faveur de ses vacances en jet-ski (il a capté que l’eau était trop chaude). Rien, pas même le rapport du GIEC (Groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat) de 1990. Ni celui de 1995. Ni celui de 2001, pas plus que celui de 2007, ni ceux de 2013-2014 et 2021-2022, non, rien, rien de rien.

Une fois évacuée l’hypothèse voulant que l’hyper-prez autoproclamé esprit le plus brillant de l’univers se foute de notre gueule, ne nous reste ainsi qu’à nous rabattre vers l’autre hypothèse, voulant quant à elle qu’il soit en fait un peu simplet. Et surtout, atteint de graves carences culturelles, étonnantes de la part de quelqu’un qui hurle partout à qui veut l’entendre son amour des livres et de la « pensée complexe ».

« Qui aurait pu prédire la crise climatique » ? Mais plein de gens, en fait, Manu ! Et plein de penseuses et de penseurs ont couché ça par écrit il y a déjà des décennies. Comme un certain Murray Bookchin, que tu ne dois pas connaître car il est anarchiste, mais qui est un des intellectuels anglo-saxons les plus importants et influents du siècle dernier, et qui, dès 1965, je souligne, 1965, il y a 58 ans, « s’inquiétait duréchauffement climatique et de ses conséquences sur les équilibres naturels et sociaux » (1).

Tu as lu ça, Manu ? A l’heure où tu ne faisais même pas encore caca dans ton pot, critiquant radicalement « l’économie de marché » et sa maxime « croître ou mourir », Bookchin nous alertait : « Les tentatives de rendre le capitalisme “vert” ou “écologique” sont condamnées d’avance par la nature même du système qui est de croître indéfiniment », et affirmait sans détours inutiles que « le capitalisme constitue le point de négativité absolue pour la société et pour le monde naturel. Il n’est pas possible d’améliorer cet ordre social, de le réformer, de le transformer sur ses propres bases, par exemple en lui ajoutant un préfixe écologique pour en faire un “écocapitalisme” ». Donc : « La seule solution qui existe, c’est de le détruire. »

C’est clair, non ? Non. Le déni nous gouverne. « Nous avons probablement été trop intelligents, trop subtils, trop techniques », avait déclaré benoîtement, on s’en rappelle, le macroniste Gilles le Gendre. Car oui : malgré le fait qu’ils soient tout bonnement incapables de tirer le moindre sens des phrases pourtant limpides qui précèdent, les margoulins de la bande à Macronnot demeurent persuadés, tout comme leur chef vénéré, qu’ils sont intelligents. Alors même que la triste réalité qui s’impose de plus en plus aux yeux de tous est celle-ci, à savoir que nous vivons sous la coupe d’une petite clique de ex ou futurs repris de justice ultra-libéraux passant leur vie à écumer les plateaux pour dire, contre toutes évidences, leur amour du capitalisme et leur incompréhension absolue de tout ce qui constitue les enjeux de ce début de siècle : les luttes écologistes donc, mais aussi féministes, antiracistes, la fin d’un monde intenable.

Et ainsi donc, voilà que Nathalie Loiseau, et pas le plus agile de la volière, et avec elle toute l’extrême-droite appelant au boycott du film « Tirailleurs » qu’ils ne seraient pas allés voir de toute façon (comme si moi j’annonçais boycotter les concerts de Sardou), s’en prend à Omar Sy qui a eu l’audace de souligner à raison le manque d’intérêt pour les conflits meurtriers en Afrique. Gérald Darmanin, suspecté à deux reprises d’avoir profité de son statut d’élu pour obtenir des faveurs sexuelles, nous prépare une loi « immigration » à rebours de toute logique autant éthique qu’historique. Laetitia Avia, porteuse en 2020 d’une loi contre les contenus haineux sur internet, fut par la suite mise en cause pour l’agression par morsure d’un chauffeur de taxi, puis pour des propos racistes, sexistes, homophobes et violents par ses anciens assistants parlementaires. Et au milieu de tout ça, de cette vaste et immonde flaque de renoncements, d’hypocrisie et d’insolubles contradictions, où flottent d’épais morceaux du vieux monde qui ne veut pas mourir, trône encore et toujours Damien Abad, accusé de multiples viols. Avec, tout en haut, Macron. Qui, comme tous ses lieutenants, s’en tamponne de l’écologie comme de son premier costard. Et qui se demande, donc, qui aurait pu prévoir qu’on en soit là où on en est.

« Trop intelligents, trop subtils… » Quelle blague. Ces imbéciles ne voient rien venir, et rien ne leur fera ouvrir les yeux. Le capitalisme leur sied à merveille. Et les concessions qu’ils sont prêts à faire aux luttes contre la pollution, les inégalités, le sexisme ou le racisme ne se feront que dans le cadre étriqués de leurs médiocres intérêts de dominants.

Encore quatre ans à tirer, ça commence à faire long. Même si nous ne sommes pas à l’abri de quelques surprises d’ici là. Leur connerie va peut-être finir par en énerver quelques uns. Comme l’a rapporté récemment le compte Twitter Brèves de presse, « c’est un bruit qui court dans les ministères : « le gouvernement ne passera pas le mois de mars ». Craignant des mobilisations spontanées hors de tout cadre, type Gilets Jaunes, Macron a récemment enragé : « Plus personne ne tient plus aucune troupe ! » (le Parisien) ».

Encore faut-il que ça ne soient pas les fascistes, en grande forme en ce moment, qui capitalisent sur ces mécontentements. Car le camp de l’émancipation, lui, fait bien triste mine. Des abrutis ni intelligents, ni subtils, il y en a aussi chez nous, et il va falloir songer à les mettre de côté. Ainsi que l’écrit Stéphane Alliès dans son article « Maintenant la gauche, c’est quand qu’on va où ? », « le renouvellement des cadres militants et l’émergence d’une nouvelle génération semblent la dernière solution pour en finir avec l’entre-soi déprimant qui s’évertue sans audace ni idée depuis des années à démoraliser ceux qui voudraient inverser le cours des destinées. Cette refondation profonde de la gauche ne pourra être la conséquence que d’une démocratie radicalement ouverte […] ». Ce bon Murray Bookchin, quant à lui, déclarait : « Réduire les dimensions des communautés humaines est une nécessité élémentaire. D’abord pour résoudre les problèmes de pollution et de transport, ensuite pour créer des communautés véritables. En un certain sens, il nous faut humaniser l’humanité. » Y a plus qu’à ?

Le mot de la fin, bien sûr, reviendra à une réplique du film « Don’t look up », qui s’applique parfaitement à Macron et ses sbires : « La vérité est bien plus déprimante. Ils ne sont même pas assez intelligents pour être aussi mauvais que vous le pensez ».

Il est donc sans doute grand temps de leur indiquer la direction de la sortie.

Salutations libertaires,

Mačko Dràgàn

Journaliste punk-à-chat à Mouais, revue mensuelle d’une qualité incroyable à laquelle il serait fort dommage de ne pas être abonné : https://www.helloasso.com/associations/association-pour-la-reconnaissance-des-medias-alternatifs-arma/paiements/abonnement-mouais

(1) Reporterre, « La pensée essentielle de Murray Bookchin, fondateur de l’écologie sociale », par Didier Harpagès, 04/12/14

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