Pour décourager les demandeurs d’asile de s’aventurer sur son sol, le Royaume-Uni noue un partenariat douteux avec ce pays africain, chargé d’étudier les demandes d’asile à sa place. Voire d’expulser.

Le Premier ministre britannique, Boris Johnson. | MATT DUNHAM/REUTERS

Ouest-France Cécile RÉTO. Modifié le 14/04/2022 à 19h03 Publié le 14/04/2022 à 18h48 Écouter

Oubliée, l’odieuse menace brandie en septembre par la ministre de l’Intérieur britannique, Priti Patel. Londres a renoncé, ce jeudi 14 avril 2022, à autoriser ses gardes-frontières à repousser les embarcations de migrants hors de ses eaux territoriales, dans la Manche. Non pas par bonté d’âme… Mais la méthode, potentiellement meurtrière, est contraire au droit maritime international.

Un accord de 145 millions d’euros

Décourager les migrants d’affluer était une promesse phare du Brexit. Or, les embarcations de fortune ont été plus nombreuses à traverser la Manche l’an dernier. À bord : 28 000 personnes, souvent parties des côtes françaises.

Certaines ne sont jamais arrivées, comme les 27 migrants disparus au large de Calais, en novembre. C’est pour éviter ces drames​, jure le Premier ministre Boris Johnson, que son pays a signé ce jeudi un accord de partenariat avec le Rwanda. Moyennant 145 millions d’euros, Kigali devra récupérer toute personne arrivée illégalement au Royaume-Uni ​depuis le 1er janvier, instruire les demandes d’asile et gérer les expulsions en cas de refus.

L’opposition dénonce une « violation des droits humains »

Boris Johnson n’est pas le premier à sous-traiter » ses migrants​. En mai 2021, le gouvernement social-démocrate danois a aussi pactisé avec le Rwanda. Depuis, le pays n’a accordé sa protection qu’à 3 % des Afghans qui lui demandaient l’asile. Il s’est aussi attiré les foudres de l’Union européenne.

Si Londres n’a plus de comptes à rendre à l’UE, cela ne l’exempte pas de respecter le droit d’asile : selon la Convention de Genève, tout réfugié fuyant un péril doit être protégé. Ce pacte rwandais est donc une violation évidente des droits humains​, pour le lord travailliste Alfred Dubs. Repousser des personnes vulnérables, qui ont déjà enduré des souffrances extrêmes, vers un pays au bilan douteux en matière de droits de l’Homme est cruel​, accuse aussi Enver Solomon, directeur du Conseil britannique des réfugiés.

Arrestations et répression

Faut-il accélérer l’adhésion de l’Ukraine à l’Union européenne ? Le Rwanda peut-il être considéré comme un pays sûr ? L’opposante Victoire Ingabire Umuhoza en doute. Sa candidature à la présidentielle de 2010 lui a valu cinq de prison pour conspiration​. En octobre 2021, neuf dissidents et un journaliste ont aussi été arrêtés pour avoir dénoncé… la répression politique. Et il n’a pas échappé à Victoire Ingabire Umuhoza que le Rwanda n’apparaît qu’au 143e rang sur 146sur l’index des pays les plus heureux. Mais vu de Londres, cela en fait l’épouvantail idéal pour repousser les migrants.

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