Ce jeune bordelais n’a pas voulu « être un maillon de cette chaîne d’expulsion ». Appelé pour cette mission par le patron d’une société de déménagement, il a décliné.

Il ne se considère pas militant, absolument pas engagé dans le milieu associatif qui vient en aide aux sans-abri, ni celui qui soutient les sans-papiers. Il se dit citoyen « comme tout le monde », au chômage partiel par temps de crise sanitaire.

Ce mercredi matin, quand Oscar (un pseudonyme) a reçu l’appel de son patron pour se tenir prêt jeudi matin tôt pour démanger plus de 200 personnes, « en présence d’huissiers et des fonctionnaires pour assurer l’ordre », il s’est posé des questions :

« Ce n’est pas tous les jours qu’on a une mission pareille. Je ne savais pas ce que c’était et je ne savais pas non plus qu’il y avait ce squat à évacuer. Je n’en avais jamais entendu parler. Un truc aussi gros quand même, 200 personnes, j’étais curieux. J’ai regardé sur internet et j’ai compris. »

Triste

Oscar rappelle son patron et décline la mission. « Il m’a dit qu’il comprenait parfaitement. »

« C’est une période creuse. Les chantiers sont rares. Ils rentrent tous à la dernière minute. Mon patron fait ce qu’il peut pour tenir la boite. J’ai beaucoup de respect pour lui, mais pour moi, je lui ai dit que c’était impossible. »

Le jeune déménageur ne connaît « rien au squat » et ne savait pas ce qu’était La Zone libre, ni qui étaient ses occupants. Il apprendra, « en allant chercher l’info », qu’il était occupé par des familles et des enfants, des réfugiés et des sans-papiers.

« Avec tout ce qu’on est déjà en train de vivre, je ne voulais pas être un maillon, même petit, de cette expulsion. Je trouve ça triste. Mais je ne juge personne. Je ne juge pas ceux qui l’ont fait, je ne juge même pas les policiers. J’en veux à ceux qu’ils leurs demandent de faire ça. »

« Ça s’est mal passé »

La suite, il la scrutera sur les réseaux sociaux. Sur les pages Facebook de ses collègues, il apprendra que « ça s’est mal passé ». Ils étaient « fatigués de faire ça et pas spécialement pour ». Lui, il a eu « de la chance de pouvoir refuser » :

« Nous n’étions pas la seul boite, il y en avait d’autres et bien plus grosses. J’ai eu la chance que mon patron me comprenne. Il y en a pour qui ce n’est pas pareil. »

Plus tard, Oscar dit qu’il ira peut-être voir ce lieu évacué à Cenon. Ce sera son « premier squat ».

« Je me demande ce qu’on a fait de leurs affaires, peut-être parties à la déchèterie. C’est fou, c’est inhumain. Je ne pouvais pas réagir autrement. Si on était plusieurs a réagir comme ça, on aurait presque pu empêcher ce genre d’expulsion. C’est simple et ça ne nécessite aucune violence. »

Jeudi matin à 6h, le squat de la Zone libre a été évacué. Alertés la veille, certains occupants avaient quitté les lieux. Le jour même, d’autres ont été conduits dans plusieurs villes de la région Nouvelle-Aquitaine. Une centaine d’occupants ont été provisoirement mis à l’abri par la ville de Bordeaux dans le gymnase de Barbey ou à l’Athénée municipal en attendant une meilleure solution.

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