En grande difficulté financière et placée en redressement judiciaire depuis le 12 mai dernier, la revue culturelle Le Festin, fondée il y a trente-quatre ans par Xavier Rosan, attendait de savoir si un repreneur allait se manifester pour sauver le titre. Le 8 décembre dernier, le tribunal judiciaire de Bordeaux a validé l’offre de reprise des Éditions Le Bord de l’eau.

Coraline Bertrand

Bordeaux : la revue Le Festin sauvée par les Éditions Le Bord de l’eau
Jean-Luc Veyssy dirige les Editions du Bord de l’eau, fondées il y a trente ans. Il dit reprendre Le Festin « avec beaucoup de respect et d’humilité » Photo : CB/Rue89 Bordeaux


C’est à la fois un soulagement et un crève-cœur. Le Festin continuera à paraître malgré des dettes à hauteur de près d’1 million d’euros, contractées à la suite d’une série d’exercices déficitaires, d’une érosion des ventes, de la crise des distributeurs puis de celle du Covid. Et ce, malgré de conséquentes subventions de la Région (100 000 euros par an) et une aide exceptionnelle au développement économique, accordée par celle-ci en 2021, à hauteur de 200 000 euros.

Pour les salariés de l’association, cette reprise du titre par les Éditions Le Bord de l’eau ne se fait toutefois pas sans casse. En effet, Jean-Luc Veyssy, directeur de la maison d’édition, n’a repris que l’équipe éditoriale et les salariées en charge de la partie commerciale et distribution. Soit 5 salariées sur 14. (L’activité de distribution pour d’autres éditeurs pourra être reprise mais ce n’est pas la priorité immédiate du Bord de l’eau qui veut avant tout relancer le processus éditorial de la revue.)

Le fondateur de la revue, Xavier Rosan – qui n’a pas souhaité s’exprimer, comme ses anciens salariés – a, lui, choisi de « tourner la page », comme il l’écrit à ses abonnés dans le dernier numéro de décembre, actuellement en kiosques.

« Étendre notre champ éditorial »

Si Jean-Luc Veyssy connaissait Xavier Rosan de réputation et savait que le Festin « n’allait pas très bien », il a découvert l’ampleur de leurs difficultés à la suite d’un article de Sud Ouest paru fin septembre.

« C’est mon fils, Baptiste, avec qui je travaille, qui m’a suggéré de regarder la possibilité d’une reprise. Au premier abord, je me disais qu’une revue culturelle ce n’était pas notre créneau. Nous sommes une maison d’édition familiale, académique, spécialisée en sciences humaines et sociales. Et finalement, il y a une complémentarité, cela étend notre champ éditorial. »

Et le directeur des Éditions Le Bord de l’eau de préciser :

« On a repris une partie de l’équipe, les locaux [au 176, rue Achard, à Bordeaux car la maison d’édition était à l’étroit dans ses bureaux historiques de Lormont, NDLR] et la ligne éditoriale avec beaucoup de respect et d’humilité. »

Les Éditions Le Bord de l’eau ont déposé leur offre de reprise le 5 octobre.

« Nous étions seuls à ce moment-là. Le groupe Centre-Ouest s’est manifesté un temps mais s’est finalement retiré et le groupe Cairn, basé à Pau, a déposé une offre sur le stock de livres uniquement. Ils n’ont pas été retenus par le tribunal », détaille Jean-Luc Veyssy.

Le numéro de décembre de la revue vient de paraître Photo : CB/Rue89 Bordeaux

Une diffusion à Paris et en Europe

Les Éditions Le Bord de l’eau comptent « sauver Le Festin en relançant la dynamique éditoriale et en rétablissant le lien de confiance avec les auteurs qui n’ont pas été payés depuis des mois ».

Le repreneur va conserver la diffusion trimestrielle de la revue et « ressortir des hors-séries », à raison de deux par an dans un premier temps et « puis, à terme, quatre par an ». Jean-Luc Veyssy souligne que deux hors-séries sur le Pays basque et La Rochelle « sont sur les rails ».

Sa maison d’édition a aussi repris le contrat de régie publicitaire du Festin et entend diffuser la revue « à Paris et dans les grandes villes européennes, via [son] distributeur, Les Belles Lettres ».

Soutien important du Festin, la Région Nouvelle-Aquitaine, « attachée à cette revue assez unique en France », se dit soulagée que « Le Festin puisse continuer à exister, tout en ayant une pensée pour les salariés qui ne sont pas repris », dixit Charline Claveau, vice-présidente en charge de la culture.

Le Conseil régional s’attend aujourd’hui à « recevoir une demande de reconduction de subvention (100 000 euros) » et s’apprête à rencontrer prochainement les Éditions Le Bord de l’eau « pour qu’ils nous présentent leur projet », précise la vice-présidente.

En reprenant Le Festin, les Éditions Le Bord de l’eau emploient désormais « 10 salariés, 9 Français et un Belge [employé de leur bureau à Bruxelles, La Muette, NDLR] ». Les cinq anciennes salariées du Festin ont conservé leur niveau de salaire, tout en travaillant moins puisque les Éditions Le Bord de l’eau pratiquent la semaine de quatre jours, « soit 32 heures par semaine ».

Le n°128 du Festin vient de paraître avec pour thème « Destins extraordinaires ». Il a été réalisé par les salariées reprises par Le Bord de l’eau. Les prochains numéros de la revue paraîtront en mars puis en juin.


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À propos de l’auteur de l’article :

CB Coraline Bertrand

Coraline Bertrand

Journaliste formée à l’IFP. Passionnée depuis plus de dix ans par les sujets de société et l’ESS, entre autres.

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