Alaa Abdel Fattah était déjà en détention provisoire depuis plus de deux ans. Il a passé au total sept ans en prison depuis 2013.

Le Monde avec AFP Publié aujourd’hui à 20h23, mis à jour à 20h40

Alaa Abdel Fattah, le 23 mai 2015, au tribunal du Caire.
Alaa Abdel Fattah, le 23 mai 2015, au tribunal du Caire. KHALED DESOUKI / AFP

Alaa Abdel Fattah, figure centrale de la révolte de 2011 en Egypte, déjà en détention provisoire, a été condamné à cinq ans de prison par un tribunal d’exception du Caire pour « diffusion de fausses informations », a annoncé sa sœur, Mona Seif, sur Twitter, lundi 20 décembre. Le verdict ne peut faire l’objet d’appels.

Deux autres militants ont été condamnés à quatre ans de prison pour les mêmes charges : Mohamed Al-Baqer, l’ancien avocat de M. Abdel Fattah, et le blogueur Mohamed Ibrahim, alias Oxygen.

Déjà sept ans derrière les barreaux

Surnommé « l’icône de la révolution » de 2011 qui a chassé le président Hosni Moubarak du pouvoir, M. Abdel Fattah a déjà fait l’objet de plusieurs condamnations. Il a été emprisonné sous les régimes de l’autocrate Hosni Moubarak, de son successeur islamiste Mohamed Morsi (2012-2013) et de l’actuel chef de l’Etat, Abdel Fattah Al-Sissi. En détention provisoire depuis plus de deux ans, il a passé au total sept ans en prison depuis 2013. En octobre, un recueil des articles de M. Abdel Fattah parus depuis 2011 avait été publié, sous le titre Vous n’avez pas encore été vaincu.

M. Abdel Fattah, militant politique et programmeur informatique, avait été arrêté en 2013 après une manifestation non autorisée. Il était accusé d’avoir organisé une « manifestation illégale », « provoqué une émeute » et « frappé un officier de police et volé son émetteur radio ». Il avait cependant continué de s’exprimer sur les réseaux sociaux, défendant notamment les droits d’autres anciens détenus, contraints de passer leurs nuits derrière les barreaux après la fin de leur peine de prison.

Libéré sous contrôle judiciaire en mars 2019, M. Abdel Fattah avait été arrêté avec son avocat, Me Baqer, en septembre de la même année. Les deux hommes avaient été ajoutés à la liste « terroriste » du Caire à la fin de 2020. M. Ibrahim, fondateur du blog « Oxygen Egypt », a lui aussi été arrêté en 2019 après avoir publié sur les réseaux sociaux des vidéos relatives aux manifestations antigouvernementales, selon Amnesty International.

Selon la loi égyptienne, la durée de la détention provisoire ne peut excéder deux ans, mais en pratique les détenus peuvent rester plus longtemps derrière les barreaux.

Soixante mille détenus d’opinion

Dans un éditorial publié par le New York Times samedi, sa mère avait déploré que « le monde détourn(e) le regard » après avoir été « autrefois inspiré par les révolutionnaires égyptiens ». « Son crime, comme pour des millions de jeunes en Egypte et ailleurs, était de croire qu’un autre monde était possible. Et il a eu le courage d’essayer de rendre cela possible », a-t-elle écrit.

Samedi, le gouvernement allemand avait appelé à la libération des trois militants, espérant un « procès équitable ». L’Egypte avait, de son côté, dénoncé une « ingérence flagrante et injustifiée dans les affaires intérieures » du pays.

Le Comité pour la protection des journalistes (CPJ), qui considère les blogueurs comme étant des journalistes, a rejeté le verdict, le jugeant « inacceptable ». « La condamnation d’Alaa Abdel Fattah et Mohamed Oxygen à des années de prison est inacceptable et montre jusqu’où les autorités sont prêtes à aller pour punir ces journalistes pour leur travail », a déclaré Sherif Mansour, coordinateur Moyen-Orient et Afrique du Nord du CPJ, qui a appelé à leur « libération immédiate ».

Depuis son arrivée au pouvoir, à la suite de la destitution de Mohamed Morsi à l’été 2013, le président Sissi est accusé, par des ONG internationales de défense de droits humains, de mener une répression tous azimuts contre les opposants et les défenseurs des droits de l’homme. Selon elles, l’Egypte compte plus de 60 000 détenus d’opinion.

Le gouvernement dément, qui met l’accent sur le maintien de la stabilité dans le pays. Les autorités égyptiennes reprochent régulièrement aux ONG locales et internationales de bénéficier de financements douteux et d’agir sur la base de motifs politiques contre les intérêts du Caire. Les Etats-Unis, qui estiment que le pays viole les droits humains dans tous les domaines, ont, en conséquence, gelé 10 % de leur aide.

Le Monde avec AFP

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