Selon une règle islamique inscrite dans la loi du pays, les filles héritent de la moitié de la part du fils. Alors que ce débat de société s’engage dans le royaume, les femmes se montrent plus conservatrices que les hommes.

Seddik Khalfi – franceinfo Radio France

Une manifestation pour les droits des femmes au Maroc en octobre 2019, en l'honneur d'une journaliste Hajar Raissouni, emprisonnée pour avortement illégal. (STRINGER / AFP)
Une manifestation pour les droits des femmes au Maroc en octobre 2019, en l’honneur d’une journaliste Hajar Raissouni, emprisonnée pour avortement illégal. (STRINGER / AFP)

C’est une surprise dans ce débat de société : selon une étude produite par des ONG marocaines, 82% des Marocains sont contre une réforme visant à l’égalité homme-femmes en terme de succession, et parmi eux 84,5% de femmes. Elles expliquent que, pour elles, cette règle est un dogme religieux immuable. Une aberration pour Amina Bouayad, la présidente du Conseil national des Droits de l’Homme (CNDH) : cette règle de partage contribue, selon elle, à la féminisation de la pauvreté. En effet, le Maroc stagne au 144ème rang mondial en termes d’égalité homme-femme. Un argument qui n’a pas été du goût du parti islamiste PJD : les islamistes ont demandé à la présidente de l’institution, de “cesser de porter atteinte aux constantes religieuses” des Marocains.

Un débat de société qui divise le Maroc entre tradition et modernité

Les opinions sont divisées entre jeunes et vieux, habitants de la ville ou de la campagne, personnes instruites ou pas. Mais, là aussi, il y a des surprises : la jeune génération semble plus conservatrice que ses aînés. Lina, 18 ans, est étudiante, et même si elle traîne dans les parcs avec ses copines, elle reste très attachée aux traditions. “Je ne dis pas qu’il ne faut pas tendre vers l’égalité, mais j’estime qu’il n’y a rien à changer, développe-t-elle. Hommes et femmes doivent se compléter, ils ne doivent pas être identiques, sinon le mariage n’aurait aucun sens.”

“Si je devais assumer le rôle de l’homme, je n’aurais pas besoin de lui, donc l’homme doit continuer à avoir une plus grosse part d’héritage, car il a la charge de la famille.”Lina, étudiante marocaine de 18 ans

à franceinfo

Lina ne voit pas ce débat de société d’un bon oeil : “Malheureusement les idées changent : on voit des hommes qui n’assument pas et des femmes qui veulent l’égalité complète, alors qu’ils sont différents.” 

Une fracture sociale qui s’exprime dans l’éducation

Autre génération, autre éducation. Karima a la soixantaine, et est à l’opposée des idées de Lina. Elle revendique la réforme et l’égalité homme-femme. “Bien sûr que je suis pour ! Malheureusement au Maroc, ce n’est pas équitable, ce n’est pas moitié-moitié.” Elle fait un lien avec le niveau scolaire des femmes : “Les Marocaines qui ont fait des études vous dirons la même chose : ce ne sont que des femmes qui ont un niveau d’étude équivalent au CM2 qui ne veulent pas changer et rester ainsi.”

La réforme du Code de la famille, dont on parle régulièrement, n’est à ce jour pas encore programmée au Parlement. Les levées de bouclier de la part des conservateurs font barrage. Mais la réforme devra se faire un jour ou l’autre par respect pour la Constitution de 2011 et pour les engagements internationaux du Royaume. En attendant, les classes cultivées, qu’évoque Karima, contournent le problème et font des donations de leur vivant pour rééquibrer les parts d’héritages entre garçons et filles.

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