Ce vendredi, un « Convoi de l’eau » formé d’opposants aux mégabassines est parti à vélo et en tracteur depuis les Deux-Sèvres pour dénoncer l’accaparement de l’eau par l’agro-industrie. Le cortège, qui sillonnera cinq départements, rejoindra Paris le 26 août pour une action surprise.

Mickaël Correia

18 août 2023 à 17h06

Cinq mois après la manifestation violemment réprimée contre la mégabassine de Sainte-Soline (Deux-Sèvres), les opposant·es à ces réservoirs d’eau redonnent de la voix.

Ce vendredi 18 août, un cortège d’une dizaine de tracteurs, accompagné par plusieurs centaines de cyclistes, s’est élancé depuis Lezay, commune située à quelques encablures de Sainte-Soline. Direction : Paris, avec une arrivée prévue le week-end du 26 août.

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Départ du Convoi de l’eau contre les mégabassines à Lezay (Deux-Sèvres). Le 18 août 2023. © Photo : Yohan Bonnet / AFP

Cette manifestation itinérante, baptisée « Convoi de l’eau », est organisée par le collectif Bassines non merci, le syndicat agricole Confédération paysanne et les Soulèvements de la Terre.

Selon le collectif, dont la dissolution a été suspendue par le Conseil d’État le 11 août, l’objectif de cette mobilisation est d’« obtenir enfin un moratoire immédiat sur tous les chantiers de bassines et porter de véritables plans de préservation et partage de l’eau sur les territoires dégradés par le modèle agro-industriel et le dérèglement climatique ».

« C’est avec une émotion assez particulière qu’on prend la parole, cinq mois quasi jour pour jour après la plus grosse manifestation qui a été menée jusqu’ici par le mouvement anti-bassines. Cinq mois après la répression brutale qu’avait orchestrée le gouvernement pour mettre fin à ce mouvement », a déclaré Benoît Feuillu, porte-parole des Soulèvements de la Terre, lors de la conférence de presse organisée avant le départ du convoi.

« Il y a urgence à rouvrir le dialogue », a résumé Thomas Gibert, secrétaire national de la Confédération paysanne.

Un cortège à travers cinq départements

Appuyé par plus d’une centaine d’organisations telles Extinction Rebellion ou Attac, ce peloton anti-bassines s’inscrit « dans le sillage des convois et marches historiques, et finalement victorieuses » du Larzac, en 1973 et 1978, et de la zone à défendre de Notre-Dame-des-Landes, en 2015.

Pendant une semaine, le Convoi de l’eau sillonnera cinq départements jusqu’à la capitale. « Un des objectifs forts de ce convoi est de mettre en lumière tous ceux qui luttent autour de leurs rivières, de leurs bassins-versants, sur des thématiques en lien avec l’eau, avec les résistances locales contre l’accaparement et l’artificialisation des terres », a expliqué Julien Le Guet, porte-parole de Bassines non merci.

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Le 20 août, les manifestant·es s’arrêteront ainsi à Coussay-les-Bois (Vienne), où des habitant·es se dressent contre un projet de ferme usine de 1 200 taurillons, accusé entre autres d’être néfaste pour les nappes phréatiques.

Puis le 22 août, le cortège sera à Tours (Indre-et-Loire) pour soutenir des activistes de Dernière Rénovation, jugé·es ce jour-là au tribunal correctionnel pour avoir repeint en orange la façade de la préfecture. Une étape est aussi prévue trois jours plus tard à Orléans (Loiret), ville où siège l’agence de l’eau Loire-Bretagne qui cofinance à hauteur de 70 % les chantiers de mégabassines dans les Deux-Sèvres.

« Le Plan eau du gouvernement, présenté le 30 mars dernier, quelques jours après la mobilisation à Sainte-Soline, ne répond pas aux enjeux agricoles, alimentaires et environnementaux, dénonce la Confédération paysanne. Comme l’affirment de plus en plus de voix scientifiques et citoyennes, ces cratères bâchés remplis par pompage dans les nappes phréatiques sont une maladaptation au réchauffement climatique. »

Pour le gouvernement et les défenseurs d’une agriculture productiviste, les retenues d’eau artificielles sont des infrastructures indispensables au maintien des rendements agricoles, à l’heure où, en France, la ressource en eau a diminué de 14 % entre la fin des années 1990 et la dernière décennie.

Mais écologistes, hydrogéologues ou agronomes soulignent de plus en plus les conséquences incertaines des bassines sur la ressource en eau, comme celles d’aggraver les sécheresses estivales ou la difficulté à remplir ces réservoirs en cas de sécheresse hivernale.

Une étude récente, menée par une filiale du groupe Suez, a même démontré qu’il n’y avait tout simplement pas assez d’eau pour remplir les trente mégabassines programmées dans la Vienne.

Enfin, les opposant·es aux mégabassines pointent également la privatisation d’un bien commun par une poignée de grands exploitants, afin de répondre aux exigences des marchés agro-industriels.

Action surprise à Paris

À son arrivée à Paris le 26 août, le Convoi de l’eau prévoit un « surgissement final » pour aller porter leur demande d’un moratoire. Comme le précisent les organisateurs et organisatrices, de nouveaux chantiers de bassines pourraient démarrer dès cet automne dans les Deux-Sèvres, en Charente et en Vendée.

Marine Tondelier, secrétaire nationale d’Europe Écologie-Les Verts, a martelé ce matin au micro de France Inter la nécessité d’arrêter ces projets car, dans « une France à + 4 °C on ne peut pas cultiver de la même manière les mêmes choses, au même endroit ». Elle juge aussi qu’après les incidents graves de Sainte-Soline le 25 mars dernier, « il y a également une responsabilité des pouvoirs publics pour que [le convoi] se passe bien ».

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À 15 heures, plusieurs pelotons de vélos aux noms d’animaux anguille, castor, outardese sont lancés pour rejoindre Migné-Auxances (Vienne). Au passage, les manifestant·es se sont arrêté·es dans le centre de Lezay pour ériger un cairn en mémoire des blessé·es de Sainte-Soline. « Cinq mois après son annonce de la dissolution des Soulèvements de la Terre, notre mouvement est plus inarrêtable que jamais ! », s’est réjoui Benoît Feuillu.

Ce Convoi de l’eau débute alors que la France est de nouveau traversée par une vague de chaleur, et que 72 % des niveaux des nappes phréatiques restent sous les normales.

Selon notre cartographie des mégabassines élaborée avec le collectif Mémoire vive, près de 90 % de ces retenues d’eau se trouvent dans des zones actuellement concernées par des arrêtés sécheresse.

Mickaël Correia

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