Lundi 19 juillet, un incendie s’est déclaré dans le bidonville de Cracovie au nord de Bordeaux. La raison de cet acte criminel serait une rixe entre un habitant des Aubiers et un Bulgare considéré étranger au campement. Ce squat, sous une ordonnance d’expulsion, abrite environ 300 personnes dans des baraquements de fortune et ses relations avec la cité voisine sont très tendues. Son évacuation est attendue.

Mardi 20 juillet à 9h, la chaleur commence a écrasé le bidonville de Cracovie, coincé entre la cité des Aubiers et l’usine Saft à Bordeaux nord. A l’entrée, rien ne laisse penser que douze heures plus tôt, à 21h30 la veille, un incendie a ravagé une quinzaine de baraquements faits de palettes et de matériaux de récupération.

Sur le trottoir, deux femmes et un enfants entourent un tas de baluchons avec un caddie rempli d’affaires. A quelques mètres, un technicien d’Enedis venu vérifier les installations électriques et une équipe de la mission squats de Bordeaux Métropole s’apprête à entrer dans le site.

Des caravanes et des baraquements au pied de la cité des Aubiers (WS/Rue89 Bordeaux

Étincelle

Dans la grande allée centrale, les occupants, Roms de Roumanie et Roms de Bulgarie, vaquent pour la plupart à leurs activités quotidiennes : quelques coups de balai devant les portes, des allers retours pour remplir les jerricans d’eau, et les préparatifs du repas de midi. Ce n’est que vers le centre du camp qu’apparaît une zone calcinée encore fumante. Un groupe d’hommes entoure Stanescu, celui-ci porte un paquet de feuilles aux bords noircis.

« Regardez, travail, travail » s’emporte-t-il. Ce qui reste de ses papiers laisse deviner des courriers de son agence Pôle emploi. Un autre tend une carte, probablement d’identité, faisant avec les mains des zigzags vers le ciel. « Il a perdu ses papiers » traduit Gérard-Pascal Fraile, coordinateur technique de la mission squats de Bordeaux Métropole.

Un jeune s’approche pour expliquer les événements de la veille. Il laisse entendre qu’un Bulgare, « pas d’ici », était venu se réfugier dans le camp après une rixe avec un habitant des Aubiers devant l’arrêt du tram. Montrant de la main une clôture du côté des bâtiments de la cité, il poursuit : « Quarante personnes venues ici mettre le feu. »

« C’est la version qui a été donnée par une partie des habitants, confirme Vincent Maurin, maire adjoint du quartier. Elle reste à confirmer par l’enquête de police. Elle est plausible dès lors qu’on sentait qu’il y avait des tensions, et à la moindre étincelle, tout pouvait s’embraser. Et c’est le cas de le dire… »

Ce qui reste du dossier Pôle emploi de Stanescu (WS/Rue89 Bordeaux)

Le bruit et les odeurs

Depuis février 2020 en effet, 300 à 400 personnes vivent sur le site, « avec des va-et-vient pendulaires » précise Gérard-Pascal Fraile.

« Dans les deux communautés, bulgare et roumaine, on a du mal à avoir un interlocuteur, ils n’en veulent pas, ils s’en méfient. Ils ne veulent pas d’une personne responsable des contacts privilégiés avec nous de peur qu’elle en fasse un pouvoir et qu’elle l’exerce en interne ou d’en faire des chantages. »

« Ils sont très peu organisés » abonde Vincent Maurin qui déplore de facto une difficulté pour mettre en place une médiation entre les occupants du bidonville et les habitants des Aubiers.

« Les seuls liens que nous avons réussi à instaurer, c’est autour des jardins familiaux des Aubiers qui se trouvent derrière le site. Il y a des vols, et aussi une mauvaise gestion des détritus qui a fait que des rats venaient se nourrir dans les jardins. Il y a eu des tentatives de dialogue pour essayer de mettre en place un respect mutuel. »

Mais les tensions relèvent de bien d’autres raisons laisse entendre l’élu :

« Ils y a les nuisances nocturnes, le bruit et la musique. Mais, ce qui irrite en particulier les voisins aux Aubiers, c’est les feux de câbles. Ils les brûlent pour récupérer les cuivres ; la fumée et l’odeur du plastique brûlé, c’est insupportable, surtout avec ce temps où certains voudraient bien garder leurs fenêtres ouvertes. »

Les baraquements partis en fumée à côté de l’usine Saft (WS/Rue89 Bordeaux)

Expulsion demandée

La rixe de ce lundi soir serait la goutte d’eau qui a fait déborder le vase. L’incendie, dont un panache de fumée noire était visible dans le ciel de Bordeaux, a nécessité l’intervention d’une quinzaine de pompiers jusqu’à 2 heures du matin. Si les dégâts sont seulement matériels, les Roms craignent que ce ne soit que le début. Certains commencent par ailleurs à plier bagages par crainte de nouvelles représailles, mais aussi parce que le bidonville est menacé d’expulsion.

Selon la Préfecture de la Gironde, « la particularité de ce bidonville est qu’il se trouve sur deux parcelles qui appartiennent à deux propriétaires différents : le Port de Bordeaux et Bordeaux Métropole, qui ont mené parallèlement deux dossiers en justice. La première décision d’évacuation a été prise le 7 février 2020 et le concours de la force publique a été demandée le 28 février 2020. De son côté, la Métropole a obtenu la décision de justice le 16 juillet 2020 et demandé le concours de la force publique le 20 février 2021. Les deux dossiers d’expulsion sont en cours d’instruction auprès des services de l’état et un diagnostic a été fait début juillet avec 280 personnes présentes sur le site ».

Pour Vincent Maurin, « il faut que ce squat ferme vite » :

« D’abord pour une raison de proximité avec les Aubiers toujours sous le choc des événements douloureux de cet hiver. Et aussi, pour rétablir la zone de sécurité avec le site de la Saft qui n’est pas respectée [usine de batteries qui a un périmètre de sécurité Seveso sans être classée comme tel et qui avait saisi les services de l’État dès les premiers jours de cette occupation, NDLR]. »

L’expulsion étant imminente, le terrain attend la construction de deux bâtiments de bureaux et d’un parking silo. La Caisse primaire d’assurance maladie de la Gironde, sur le départ du Grand Parc, devrait s’y installer, ainsi que l’école du cirque.

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