Les coursiers à vélo de Bordeaux, qui travaillent pour la plupart pour Uber Eats ou Deliveroo, ont désormais une halte dédiée : la Maison des livreurs, qui vient d’ouvrir.

Khalifa Koeta dans la Maison des livreurs, de laquelle il est le cofondateur.
Khalifa Koeta dans la Maison des livreurs, de laquelle il est le cofondateur. (©Actu Bordeaux / Anaëlle Montagne)

Par Anaelle MontagnePublié le 17 Fév 23 à 19:40 

Actu Bordeaux

Prendre une pause, se restaurer, réparer leurs vélos, rencontrer un médecin ou s’instruire sur leurs droits : c’est ce que les livreurs à vélo de Bordeaux peuvent désormais faire dans le lieu qui leur est dédié, en centre-ville. La Maison des livreurs, financée par la Ville et la Métropole, sera inaugurée ce mercredi 22 février 2023. 

Devant la Maison des livreurs (MDL), Adama attache son vélo, son sac Uber Eats sur le dos, avant de pousser la porte. Il découvre un véritable salon, de spacieux canapés et un babyfoot, ainsi qu’un ordinateur et, à l’arrière, une cuisine équipée.

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Au fond de la salle, des permanences administratives, syndicales et de santé seront proposées. Des bénévoles de Médecins du monde y effectueront notamment des consultations chaque jeudi et vendredi. A l’arrière de la Maison, enfin, un garage rempli d’outils permet également aux livreurs de réparer leurs vélos, ou de les charger. 

Accès aux droits 

Stéphane Pfeiffer, adjoint au maire en charge de l’urbanisme, explique : « On sait qu’un grand nombre de livreurs vivent dans des squats. Ce sont souvent des lieux indignes et insalubres, alors on a d’abord voulu travailler l’accès aux besoins primaires, avec des canapés, une cuisine, des sanitaires, etc. »

Ensuite, on sait que beaucoup de coursiers sont sans-papiers ; alors on a souhaité les accompagner dans l’accès aux droits grâce au suivi d’avocats, afin qu’ils lancent des procédures de titre de séjour ou requalifient leurs contrats de travail. On a aussi un volet social où les livreurs peuvent notamment faire appel au CCAS.Stéphane PfeifferAdjoint au maire en charge de l’urbanisme

De nombreuses affiches sont aussi placardées sur les murs, orientant les livreurs vers les partenaires de la MDL. Car ils sont nombreux : la mairie de Bordeaux, Bordeaux métropole, Médecins du monde, Coopcyle, Cycles et manivelles, Récup’R, la Cimade, ALIFS, la CGT, Amal…

L’association AMAL

Amal est l’association qui assure la gestion quotidienne du lieu (bien que Coopcycle soit en charge de la gestion générale de la structure). Le nom de l’association, fondée par Khalifa Koeta et ses collègues, siginifie “espoir” en arabe. Un nom qui n’a pas été choisi au hasard. “La situation des livreurs est vraiment compliquée ; on voulait leur donner de l’espoir”, sourit Khalifa Koeta.
Afin de profiter de la Maison des livreurs, les coursiers devront adhérer (gratuitement) à l’association.

« On avait besoin d’un lieu comme ça, dédié à nous, où on peut venir se reposer, rencontrer nos collègues » sourit Adama, coursier à Bordeaux. Près de lui, Khalifa Koeta, cofondateur de la Maison des livreurs, acquiesce.

Notre métier est très difficile. On ne peut pas prendre de pause au chaud, ni aller aux toilettes car beaucoup de restaurateurs ne nous laissent pas rentrer – on prend trop de place, ou on est trempés par la pluie, par exemple. On se repose dans la rue entre deux services, souvent toute l’après-midi et on n’est pas vraiment respectés. On aimerait être mieux considérés.Khalifa KoetaCofondateur de la Maison des livreurs

Alors la Maison des livreurs est, pour nombre de coursiers, un véritable refuge. Un lieu qui a nécessité l’implication de nombreux acteurs afin de voir le jour. Vidéos : en ce moment sur Actu

« Il fallait faire quelque chose »

Il y a plusieurs années, l’idée de créer une halte dédiée aux livreurs naît dans l’esprit de Khalifa, alors qu’il est lui-même coursier dans les rues de Bordeaux.

J’ai vu beaucoup de gens se faire renverser devant mes yeux, souvent les automobilistes ne s’arrêtent même pas. Une fois, à Barrière du Médoc, un livreur s’est fait renverser par une voiture et je voyais qu’il avait du mal à gérer la situation, à cause de la barrière de la langue. J’ai réalisé que beaucoup ne connaissaient pas leurs droits ou ne pouvaient pas les communiquer ; c’est de là que l’idée est née. Il fallait faire quelque chose, nous étions livrés à nous-mêmes.Khalifa KoetaCofondateur de la Maison des livreurs

Khalifa commence alors à militer pour la création d’une halte conviviale. Au même moment, Arthur Hay, membre du syndicat des Coursiers bordelais (rattaché à la CGT), milite pour la même cause. Il fait part de son projet à la Mairie et la Métropole, qui décident de s’impliquer. Les acteurs s’allient ensuite à Médecins du monde et finissent par croiser le chemin de Khalifa, qui deviendra un acteur majeur de la MDL. 

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Jonathan Lutile, chargé de projets à Médecins du Monde, précise : « On intervient depuis dix ans auprès des grands précaires à Bordeaux ; grand nombre d’entre eux travaillent dans les vignes, et une autre partie travaille pour les plateformes numériques, comme Uber eats ou Deliveroo ».

Il explique que ce sont les livreurs eux-mêmes qui ont donné l’impulsion au projet ; « le milieu associatif s’est simplement activé face à leurs demandes ». 

De futurs développements

Stéphane Pfeiffer et Amal souhaitent, à terme, pouvoir travailler avec des acteurs de l’emploi, comme Pôle emploi, afin de proposer des formations professionnalisantes aux coursiers. « La plupart des livreurs font ça temporairement, ils n’ont pas vraiment le choix. On aimerait travailler sur une insertion professionnelle plus durable de ces personnes » termine Stéphane Pfeiffer.

Maison des livreurs : 14 rue du Fort Louis, derrière la place André Meunier, de 14h à 18h. 

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