Maria Ressa est journaliste. Aux Philippines, elle a dénoncé la guerre contre la drogue de Duterte, mais a aussi dressé des critiques à l’égard des géants des réseaux sociaux. Victime d’une répression cynique, cette figure de la liberté de la presse paie cher son combat contre la désinformation.

Avec

  • Maria Ressa journaliste philippino-américaine, co-fondatrice et dirigeante de Rappler, prix Nobel de la paix 2021

Maria Ressa est l’invitée exceptionnelle des Matins du samedi. Elle réagit notamment aux révélations du consortium Forbidden Stories. Le collectif a publié une grande enquête en plusieurs volets, “Story Killers”, sur le marché de la désinformation.

Maria Ressa a fait de ce sujet son cheval de bataille. Après avoir dénoncé la guerre contre la drogue du président Rodrigo Duterte, elle ne s’est déplacé longtemps que couvert d’un gilet pare-balles. Des présidents autoritaires aux dirigeants de grandes entreprises du numérique, elle démonte les mécaniques de l’intox.

https://www.radiofrance.fr/franceculture/podcasts/l-invite-e-et-maintenant/desinformation-une-industrie-mondiale-6568063

Les Philippines, un terrain d’essai

Dans son livre dont la traduction paraît en France aux éditions Fayard intitulé Résistez aux dictateurs, Maria Ressa écrit que le monde entier devrait s’intéresser aux Philippines. Pourquoi ? “Selon des lanceurs d’alerte, nous sommes une boîte de Petri, un terrain d’essai de l’effondrement des règles de démocratie sur l’information. Ce que nous voyons arriver chez nous, c’est que quand l’écosystème de l’information est corrompu, qu’un mensonge répété des milliers de fois devient un fait, alors la démocratie meurt.”

La journaliste souligne : elle ne fait pas face qu’à un problème de liberté d’expression. “Le problème est aussi un problème de diffusion de l’information. On utilise la liberté d’expression pour réduire au silence. En 2021, le Centre international pour les journalistes, qui appartient à l’UNESCO, a fait une étude sur les attaques contre moi. Je recevais 90 messages de haine par heure. 60% des messages diffusés attaquaient ma crédibilité. 40 avaient pour but de me démoraliser.”

Le média qu’elle a cofondé, Rappler, a aussi été la cible de différentes attaques judiciaires. Des attaques à visée politique selon la quasi-totalité des ONG, spécialistes internationaux… La journaliste a remporté ces affaires. “Les Philippines ne sont pas une pure dictature. La démocratie peut encore l’emporter.” Mais le média a dû dépenser beaucoup de temps et d’argent, jusqu’à fermer des antennes et des bureaux, pour faire face à ces procès.

Les réseaux sociaux, un problème démocratique

Il y a dix ans, les réseaux sociaux étaient célébrés comme des outils d’émancipation et des espaces de liberté d’expression. “Les plateformes ont remplacé les sociétés de médias et les journalistes ont perdu le contrôle de l’information. Quand on regarde comment elles sont conçues, elles le sont de manière à diffuser plus rapidement les mensonges que les faits. Ça a un impact massif sur la réalité, notre capacité à faire confiance, et enfin sur les manières que nos sociétés peuvent répondre à des questions comme le réchauffement climatique.”

Les dirigeants des réseaux sociaux doivent rendre des comptes. Parce qu’ils influencent l’opinion publique“, assène Maria Ressa. “Les entreprises comme Team Jorge (une entreprise basée en Israël, spécialisée dans des campagnes de dénigrement et d’influence dont il est question dans les révélations du consortium Forbidden Stories, ndlr) reposent sur les grandes plateformes. Si on régule les réseaux sociaux, on agit aussi sur les intox, et sur le risque qu’elles font courir sur la démocratie.”

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