L’assemblée générale de la Fédération des enfants déracinés des départements et territoires d’outre-mer (FEDD) tient son assemblée générale ce samedi 19 août, à Saint-Herblain, un lieu symbolique. Comme de nombreux départements français, entre 1960 et 1980, la Loire-Atlantique a accueilli des enfants réunionnais arrachés à leurs familles, sans leurs consentements. Ils réclament aujourd’hui une indemnisation.

Soixante-dix “enfants dits de la Creuse” se sont retrouvés à Saint-Herblain en Loire-Atlantique pour l’assemblée générale de leur fédération. Ils espèrent des réparations pour le préjudice moral subi il y a 60 ans. • © France 3 Pays de la Loire- Boris Vioche

Il y a 60 ans, ils ont perdu leur identité, leurs racines, leurs familles.

Sur l’île de la Réunion, entre 1963 et 1982, plus de deux-mille enfants et adolescents ont été enlevés à leur famille par l’administration. Envoyés de force dans des départements ruraux de métropole.

Un traumatisme

Une page d’histoire douloureuse, difficile à tourner.

Un traumatisme pour ceux qui ont survécu, comme Daisy Jamain, installée à Saint-Herblain, en Loire-Atlantique. 

Il y a deux ans, après 55 ans de séparation, Daisy a retrouvé sa soeur qui vivait elle en Martinique. Ce samedi 19 août elle a choisi de témoigner. Des années après, la blessure est toujours là.

“C’était difficile. Déjà le dépaysement, le manque de soleil. On est arrivés un 19 septembre 1968 avec ma petite soeur. Il faisait gris, il faisait froid. Quand j’ai vu l’avion décoller, j’ai compris que c’était fini, que je n’allais plus revoir mon île. C’était très dur”, se souvient Daisy.

Outre le climat, c’est aussi le racisme et la violence des mots qui la hantent encore.

Je n’ai pas eu un bon accueil. Quand je suis arrivée, une fille m’a dit : “espèce de sale négresse, retourne dans ton pays de sauvages”. Après ça a continué. Du racisme à bloc. On me disait : “Tiens voilà Blanche-Neige, tiens voilà la Noireaude”. Daisy Jamain

Enfant de la Creuse placée au foyer de St Étienne-de-Montluc de 1968 à 1973

Parmi les autres terribles souvenirs, cette sortie à la piscine du lac de Savenay organisée à l’époque par les religieuses du foyer, qui les encadraient. “Quand je rentre dans la piscine, j’étais à peine dans l’eau qu’un jeune homme de 16-17 ans traverse le bassin à la nage et vient me dire : ” Sors de la piscine tu vas noircir l’eau”.

Près de 70 de ces ex-enfants, réunis au sein de la Fédération des enfants déracinés des départements et territoires d’outre-mer, (FEDD), se retrouvent cet été en Loire-Atlantique, l’une des terres d’accueil de ces enfants.

Retour aux sources

Premier lieu de rassemblement, l’ancien foyer de Daisy et de sa soeur Anne-Marie, à Saint-Etienne-de-Montluc à 40 minutes au nord ouest de Nantes. Le foyer des Buissonnets. 

“C’est important de revenir sur le lieu de notre histoire, c’est une sorte de thérapie”, explique Valérie Andanson, secrétaire de la FEDD.

Pour Daisy Jamain et Valérie Andanson de la fédération des enfants déracinés des DROM, qui se bat pour une réparation financière des enfants victimes d'abus,"l'Union fait la force".
Pour Daisy Jamain et Valérie Andanson de la fédération des enfants déracinés des DROM, qui se bat pour une réparation financière des enfants victimes d’abus,”l’Union fait la force”. • © France 3 Pays de la Loire- Boris Vioche

Tous se sont ensuite retrouvés en assemblée générale, à 14 heures, au lycée Jules-Rieffel de Saint-Herblain.

Parmi eux, Jean-Philippe Jeanmarie, vice-président de la FEDD.“J’accompagne ici mes frères et soeurs de coeur. C’est important, car nous sommes liés d’un battement de coeur qu’on a eu tout petit et qu’on nous a arraché”.

Pour lui se rassembler sur les lieux de leur douloureuse enfance est aussi une façon de pointer du doigt les défaillances de l’Etat alors, de faire réagir. “La France a organisé ces déportations d’enfants réunionnais pour repeupler les endroits  désertiques de la métropole. On n’était pas en temps de guerre. On n’avait pas connu cela depuis la guerre”.

Jean-Philippe a fait le trajet depuis La Réunion, où il réside. Il ne raterait ces réunions pour rien au monde. “Etre ensemble dans un moment comme celui-ci c’est aussi être en joie, rattraper des moments de joie que l’on n’a pas eu étant jeunes.

Réparations

Ceux qui ont survécu à ce traumatisme, demandent aujourd’hui des comptes à l’État français. Des excuses publiques, en premier lieu. Mais aussi une réparation financière pour le préjudice moral subi, ainsi qu’un lieu de mémoire à Guéret dans la Creuse, là où les enfants ont tous atterris il y a 60 ans, avant d’être envoyés dans plusieurs autres départements français. Pour ne pas oublier.

“J’espère que le président de la République, et que les hommes d’Etat vont réagir un jour pour que le trafic d’enfants cesse. Qu’on arrête de voler des enfances, parce que cela fait des adultes brisés”, achève non sans émotion Daisy Jamain.

Lutter contre les abus envers les enfants

Lors de l’asssemblée générale Valérie Andanson, la secrétaire de la FEDD a précisé :“Ce que nous souhaitons c’est mettre en place une commission nationale définitive qui engloberait le juridique et le psychologique. Nos parcours de vie doivent servir aujourd’hui pour lutter contre tous les abus envers les enfants.”

Une motion, soutenue par la Fédération des enfants déracinés des départements et territoires d’outre-mer a été déposée à Strasbourg au Conseil de l’Europe par Justice Initiative -un mouvement européen visant à arrêter, reconnaître et prévenir les abus envers les enfants en Europe. Une motion qui réclame “vérité, reconnaissance, réparation et prévention”.

Publié le 19/08/2023 à 11h40

Écrit par Juliette Poirier

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