Aujourd’hui, nous arpentons un lieu de mémoire : le plateau du Vivarais-Lignon, où des milliers de juifs ont été protégés pendant de la seconde guerre mondiale.

Une ferme du Chambon-sur-Lignon• Crédits : JEAN-PHILIPPE KSIAZEK AFP

A la toute fin de l’année dernière, le 25 décembre 2020, Erich Schwam, un Lyonnais d’origine autrichienne, décède. Il lègue la totalité de son héritage qui s’élève à deux millions d’euros à la commune française du Chambon-sur-Lignon en Haute-Loire. Pourquoi ? Parce qu’Erich Schwam était juif, et qu’enfant, il a été caché dans ce village au cours de l’année 1943. C’est au Chambon-sur-Lignon, et plus largement sur tout le plateau du Vivarais-Lignon, que plusieurs milliers de juifs ont été protégés des rafles, cachés aux autorités nazies et au régime de Vichy, entre le début du conflit et 1944. Les historiens et les habitant ont donné plusieurs noms à ce lieu : le “village sauveur”, ou encore la “Montagne Refuge”.
 

Et c’est un peu une montagne en effet, car le plateau est situé à plus de mille mètres d’altitude. Un paysage fait de prairies, de hautes forêts de conifères, et de villages aux pierres de granit ou de basalte. Son climat est rude, venteux souvent, et neigeux en automne et en hiver. C’est sur ce plateau rural, propice au maquis, à égale distance de Lyon, Clermont-Ferrand et Nîmes, qu’ont trouvé refuge de nombreux juifs pendant la Seconde Guerre mondiale.
 

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Magda Trocmé, dans l’émission “Les chemins d’une vie” en 1982

C’est la voix de Magda Trocmé, la femme d’André Trocmé, pasteur du temple du Chambon-sur-Lignon, un des acteurs importants de cette résistance collective, avec Edouard Théis, directeur de l’école cévenole. Dès juin 1940, tous deux appellent “les chrétiens à résister avec les armes de l’esprit”. Plusieurs habitants du plateau ont donc ainsi hébergé et caché, dans des maisons ou dans des fermes, des juifs de tous les âges, et notamment un grand nombre d’enfants. Ils organisent un contournement des rafles, de plus en plus fréquentes, et exfiltrent leurs protégés, notamment vers la Suisse ou le Sud.

La résistance du Lignon s’explique en partie par les infrastructures et la grande tradition d’accueil du lieu. Par sa culture et son héritage protestants ensuite, qu’on remarque aux nombreux temples qui s’élèvent dans ces villages. L’histoire de l’oppression des huguenots a aussi renforcé une solidarité avec les juifs sous l’occupation. 

Comme le dit avec une simplicité désarmante Magda Trocmé : “ça s’est fait comme ça”. Les témoignages des résistants du Lignon se rejoignent souvent par leur grande pudeur. Ils traduisent une résistance silencieuse et un héroïsme collectif qui ne s’est jamais considéré comme tel, et qui rend difficile parfois le travail des historiens. Le Chambon-sur-Lignon et ses environs sont devenus l’emblème d’une résistance civile et spirituelle. 90 de ses habitants ont reçu le titre de “Justes parmi les nations” par l’institut Yad Vashem pour la mémoire de la Shoah. Un lieu de mémoire a été inauguré au Chambon-sur-Lignon en 2013.
 

  • Bibliographie

La Montagne refuge, ouvrage collectif, Albin Michel
– André Trocmé, Mémoires Labor et Fides

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