« Les images de destruction de Gaza ne sont qu’un début », a prévenu le premier ministre israélien Benyamin Nétanyahou, qui promet une offensive « d’une intensité qui n’a jamais eu lieu ». Des affrontements ont eu lieu au Nord, à la frontière libanaise. Plus de 1 300 personnes sont mortes en trois jours dans les deux camps.

La rédaction de Mediapart et Agence France-Presse

9 octobre 2023 à 13h05

AuAu troisième jour de la guerre déclenchée par l’attaque du Hamas sur le territoire israélien, le premier ministre Benyamin Nétanyahou a pris la parole, lundi en début de soirée, dans un discours au ton martial. Comparant le groupe islamiste palestinien à l’État islamique, il a promis que « chaque lieu à partir duquel il opère deviendra une ruine » et que « l’attaque massive contre le Hamas » en cours dans la bande de Gaza sera « d’une intensité qui n’a jamais eu lieu ».

Parmi les actions militaires prioritaires, il a notamment cité « l’élargissement du déploiement dans le nord de Gaza » et la reprise de contrôle des villages où certains miliciens du Hamas sont toujours présents. Lors de son discours, il a déclaré que les frappes aériennes à Gaza ne sont « que le début » et que son armée ferait « tout pour les Israéliens retenus prisonniers à Gaza ».

En fin d’après-midi, le cabinet du ministre de la défense a annoncé que Yoav Galant, le ministre, a ordonné d’augmenter l’intensité des frappes aériennes dans la bande de Gaza. Tous les pilotes réservistes ont été rappelés à leur poste. Des vidéos postées sur les réseaux sociaux montraient lundi soir des bombardements massifs sur l’enclave palestinienne.

Illustration 1
Des Palestiniens évacuent après frappe aérienne israélienne sur la mosquée Sousi à Gaza le 9 octobre 2023. © Photo Mahmud Hams / AFP

Quelques heures plus tard, un message du représentant de la branche armée du Hamas, Abou Obeida, menaçait d’exécuter un des otages sous son contrôle à chaque fois que des civils seraient touchés par une frappe menée sur la bande de Gaza sans avertissement. Selon le message diffusé sur le compte Telegram des Brigades Al-Qassam, cette menace vient en réponse aux frappes israéliennes menées sur Gaza. Le Hamas a par ailleurs revendiqué lundi après-midi l’envoi de roquettes sur l’aire de Jérusalem.

L’armée israélienne a annoncé en fin de journée qu’elle avait frappé plus de 2 400 sites sur la seule journée de lundi, notamment « des caches d’armes, des sites de commandement et de contrôle ». Dans un communiqué, l’armée précise qu’elle avait touché 1 200 sites entre samedi et lundi matin.

L’agence de presse palestinienne officielle WAFA affirme que des cibles civiles ont été détruites dans les bombardements, dont un hôpital à Tell Al-Hawaet des maisons résidentielles dans les villes de Beit Hanoun et Jabaliya dans le nord du territoire, ou à Deir Al-Balah dans le centre.

Après trois jours d’affrontements, le dernier bilan des autorités israéliennes fait état d’au moins 800 personnes tuées (dont plus de 260 sur le site d’un festival de musique électronique et une centaine dans le kibboutz de Be’eri près de la frontière avec Gaza) et plus de 2 600 autres blessées. Le ministère de la santé palestinien fait état, de son côté, de 690 personnes tuées, dont 140 enfants et 105 femmes, et plus de 3 700 autres blessées dans la bande de Gaza.

Dans la matinée, Yoav Galant avait ordonné un « siège complet » de la bande de Gaza. « Aucune électricité, aucune nourriture, aucune eau, aucun carburant » ne sera autorisé dans l’enclave côtière, a déclaré le ministre. « Nous combattons des animaux et nous agissons en conséquence », a ajouté Yoav Galant dans une vidéo communiquée par ses services.

Dans la foulée, le ministre israélien de l’énergie, Israël Katz, avait déclaré qu’il avait « ordonné de couper immédiatement l’approvisionnement en eau d’Israël à Gaza ». Le même ministre a précisé que l’approvisionnement en électricité et en carburant avait été interrompu dimanche.

Illustration 2
Un policier israélien en patrouille à Sderot en Israël, le 9 octobre 2023. © Photo Ilia Yefimovich / DPA / Abaca

António Guterres, secrétaire général des Nations unies, s’est dit « profondément bouleversé » par l’annonce de ce siège décidé par Israël. « Je reconnais les griefs légitimes du peuple palestinien. Mais rien ne peut justifier ces actes de terreur et le meurtre, la mutilation et l’enlèvement de civils », a-t-il déclaré en ajoutant : « Tout en reconnaissant les préoccupations légitimes d’Israël en matière de sécurité, je lui rappelle que les opérations militaires doivent être menées dans le strict respect du droit humanitaire international. Les civils doivent être respectés et protégés à tout moment. Les infrastructures civiles ne doivent jamais être prises pour cible. »

Human Rights Watch a qualifié ce blocus d’« odieux » et demandé à la Cour pénale internationale, dans un communiqué publié lundi, de prendre « note de cet appel à commettre un crime de guerre ». « Priver la population d’un territoire occupé de nourriture et d’électricité est une forme de punition collective, qui est un crime de guerre, tout comme le fait d’utiliser la famine comme arme de guerre », a déclaré Omar Shakir, directeur pour Israël et la Palestine de l’organisation de défense des droits de l’homme basée à New York. « De telles actions mettraient en péril la vie de plus de 2,2 millions de Palestiniens qui vivent depuis plus de 16 ans sous le blocus écrasant et illégal d’Israël », a-t-il ajouté.

Affrontements à la frontière libanaise

La situation s’est particulièrement tendue lundi dans la journée au nord d’Israël. En milieu de journée, des sirènes alertant de tirs de roquettes ont été activées dans les villes proches de la frontière avec le Liban, pour la première fois depuis le début des hostilités. L’armée israélienne a indiqué avoir ouvert le feu sur des combattants entrés en Israël par le Liban, faisant plusieurs morts.

Les Brigades al-Qods, branche armée du Jihad islamique, autre groupe islamiste présent dans la bande de Gaza, ont déclaré dans un communiqué avoir envoyé plusieurs hommes sur le territoire israélien depuis le Liban.

À lire aussi « C’est la première fois que des commandos occupent une partie du territoire israélien »

7 octobre 2023 Et le Hamas lança l’opération « Déluge d’Al-Aqsa »

8 octobre 2023

L’armée israélienne a fait savoir que des hélicoptères de combat ont procédé à des attaques en territoire libanais. Un responsable local libanais a affirmé à l’Agence France-Presse (AFP) qu’Israël avait bombardé les abords d’un village frontalier dans le sud du Liban. Le Hezbollah a indiqué que trois de ses membres avait été tué dans ces bombardements.

En « réponse », le mouvement chiite libanais, soutenu par l’Iran, a annoncé lundi soir dans un communiqué avoir bombardé deux casernes israéliennes. Le Hezbollah a précisé avoir utilisé « des missiles guidés et des obus de mortier » ayant « atteint directement » leurs cibles.

Plus tôt dans la journée, le commandement du front intérieur israélien avait demandé aux habitants de 28 villes et villages du nord du pays de se rendre dans des abris anti-bombes et des espaces protégés en raison d’une « offensive de grande envergure ». Les habitants ont été invités à prendre de la nourriture, de l’eau, des matelas et des couvertures.

Dimanche, le Hezbollah avait aussi revendiqué avoir attaqué trois positions israéliennes à la frontière, « en solidarité avec la résistance et le peuple palestiniens ». L’armée israélienne avait immédiatement répliqué en frappant à l’aide de son artillerie le sud du Liban.

Un article de L’Orient-Le Jour, qui se base sur des témoignages de cadres de l’« axe de la résistance » (Brigades al-Qods, Hezbollah, Hamas, Jihad islamique), indique que l’offensive menée samedi par le Hamas aurait été « minutieusement » planifiée durant plusieurs mois à Beyrouth.

Échange de prisonniers ?

Selon Reuters, des médiateurs qataris se sont entretenus avec le Hamas pour tenter de négocier la libération des femmes et des enfants israéliens détenus à Gaza, en échange de la libération de 36 femmes et enfants palestiniens des prisons israéliennes. Le Qatar mène ces négociations en coordination avec les États-Unis, selon l’agence de presse. Mais un responsable israélien a démenti tout pourparler auprès du quotidien Yedioth Ahronoth.

« Aucune négociation » n’est possible pour le moment avec Israël, a de son côté affirmé à l’AFP un responsable du Hamas installé à Doha. « L’opération militaire se poursuit et la résistance, menée par les Brigades Al-Qassam [branche armée du Hamas – ndlr], continue de défendre les droits de notre peuple, donc il n’y a actuellement aucune négociation possible sur la question des prisonniers ou autres », a déclaré Hossam Badrane, membre du bureau politique du Hamas.

À lire aussi Une fête techno tourne au massacre près de Gaza, les familles réclament des réponses

9 octobre 2023

« Plus de 100 prisonniers » sont détenus par le Hamas, avait annoncé dimanche le gouvernement israélien, dans une infographie publiée par le compte Facebook du bureau de presse du gouvernement et relayée par l’AFP. C’est la première fois que le gouvernement israélien évoque un chiffre sur ce sujet.

Selon Reuters, le Hamas a affirmé lundi matin que quatre prisonniers israéliens avaient été tués en même temps que leurs ravisseurs dans les frappes israéliennes menées depuis dimanche. « Les bombardements de la nuit et d’aujourd’hui sur la bande de Gaza ont entraîné la mort de quatre prisonniers de l’ennemi et leurs ravisseurs », a déclaré Abu Ubaida, porte-parole de la branche armée du Hamas.

Deux Français tués, quatorze autres disparus

Le ministère des affaires étrangères français a confirmé lundi soir le décès de deux ressortissants français, en indiquant être « sans nouvelles de quatorze autres dont la situation est considérée comme très inquiétante. Ce nombre est encore susceptible d’évoluer ». Le Quai d’Orsay considère « comme très probable l’enlèvement de certains d’entre eux, dont un enfant mineur de douze ans ».

Washington est « en mesure à l’heure actuelle de confirmer la mort de neuf citoyens américains » dans l’attaque du Hamas contre Israël, ont fait savoir lundi le Conseil de sécurité national de la Maison Blanche et le département d’État. Un porte-parole du département d’État a indiqué que les États-Unis restaient sans nouvelles de plusieurs ressortissants sur place et « travaillaient avec les autorités israéliennes pour déterminer l’endroit où ils se trouvent ».

Le ministère des affaires étrangères allemand a lui aussi indiqué que des personnes de double nationalité israélienne et allemande faisaient partie des personnes enlevées. 

Gouvernement d’urgence

Le premier ministre Benyamin Nétanyahou a appelé lundi soir à former « un gouvernement d’union nationale ». « Les divisions au sein du peuple sont exploitées par nos ennemis, lorsque nous sommes unis, nous vaincrons », a-t-il insisté, appelant « les dirigeants de l’opposition » à se joindre à lui.

Le Parti de l’unité nationale de l’ancien ministre de la défense Benny Gantz a exigé, lors de négociations organisées lundi, la mise en place d’un cabinet de guerre excluant les ministres d’extrême droite Itamar Ben-Gvir et Bezalel Smotrich. À la fin de la réunion, les représentants du parti de Gantz ont proposé de créer un cabinet de guerre simplifié, composé de Nétanyahou, du ministre de la défense Yoav Gallant, de Gantz et de son collègue du parti, l’ancien chef d’état-major de Tsahal (l’armée israélienne) Gadi Eisenkot. 

Illustration 3
Un soldat israélien travaille sur un char à la frontière entre Israël et Gaza près de Sderot le 9 octobre 2023. © Photo Ilia Yefimovich / dpa / Abaca

Les ministres des affaires étrangères européens se réunissent

L’Union européenne tient mardi une réunion extraordinaire des ministres des affaires étrangères à Mascate, dans le sultanat d’Oman. « Un certain nombre de ministres des affaires étrangères des États membres de l’UE sont déjà physiquement sur le terrain », a déclaré un porte-parole.

Le haut représentant pour les affaires étrangères, Josep Borrell, qui se trouve à Mascate, a déjà pris contact avec les ministres des affaires étrangères d’Israël, d’Égypte, de Jordanie, d’Arabie saoudite, et avec le premier ministre de l’Autorité palestinienne, a ajouté le porte-parole.

« Il demandera une réunion conjointe avec les ministres des affaires étrangères des États-Unis, de l’Allemagne et de l’Italie », a-t-il ajouté. « Il s’agit d’une réunion d’urgence pour discuter de ce qui s’est passé et de la réaction de l’UE », a déclaré un porte-parole de Josep Borrell.

L’UE annonce « revoir » son programme d’aide

La Commission européenne a annoncé lundi soir qu’elle lançait « un rééxamen urgent de l’assistance de l’Union européenne à la Palestine », quand quelques heures plus tôt un de ses commissaires, Oliver Varhelyi, annonçait la suspension de tous les paiements prévus dans le cadre de cette aide au développement.

« Tous les paiements immédiatement suspendus, tous les projets réexaminés, tous les budgets concernant des projets, y compris pour 2023, reportés jusqu’à nouvel ordre, réévaluation de tout le programme », avait affirmé le commissaire hongrois en charge du voisinage et de l’élargissement, dans un message sur X.

Cette annonce a surpris à Bruxelles et au-delà, d’autant qu’un porte-parole de la Commission venait à peine de préciser qu’une décision de réexamen de l’aide européenne aux Palestiniens serait précisément soumise mardi aux 27 lors de la réunion des ministres des affaires étrangères.

L’Union européenne, plus important soutien financier aux Palestiniens, a un budget de quelque 1,2 milliard d’euros entre 2021 et 2024 pour financer des projets, notamment dans l’éducation ou la santé.

Selon le ministère des affaires étrangères à Madrid, le chef de la diplomatie espagnole, Jose Manuel Albares, a appelé le commissaire Varhelyi pour protester contre cette décision, jugeant qu’elle devait d’abord être discutée par les 27.

Idem à Dublin. « Nous analyse est qu’il n’y a pas de base légale pour une décision unilatérale de cette nature prise par un commissaire individuellement et nous ne soutenons pas une suspension de l’aide », a déclaré un porte-parole du ministère irlandais des affaires étrangères. Ce dernier a précisé que l’Irlande avait formellement demandé à la Commission de préciser la légalité de sa décision.

« Deux millions de gens habitent Gaza. Ce sont aussi des otages du Hamas. Avec ces méthodes-là, on les pousse dans les bras des terroristes », a vivement commenté le ministre luxembourgeois des affaires étrangères Jean Asselborn.

La Commission européenne est alors venue dans la soirée rectifier le tir face au tollé dans ces capitales. Plus question de suspension mais plutôt d’une révision des programmes existants qui se fera rapidement et en concertation avec les 27. « L’objectif de ce rééxamen vise à s’assurer qu’aucun financement européen ne permette à une quelconque organisation terroriste de mener des attaques contre Israël », a précisé la Commission.

L’Iran dément tout rôle dans l’attaque

De son côté, l’Iran s’est défendu lundi d’être derrière cette attaque de grande ampleur de la part du Hamas. « Les accusations liées au rôle de l’Iran » dans l’offensive du Hamas contre Israël « sont fondées sur des motifs politiques », a déclaré le porte-parole de la diplomatie iranienne, affirmant que Téhéran n’intervenait pas « dans les prises de décisions d’autres nations, y compris la Palestine ».

« La résistance de la nation palestinienne a la capacité, la force et la volonté nécessaires pour se défendre, défendre sa nation et tenter de récupérer ses droits perdus », a affirmé Nasser Kanaani au cours d’une conférence de presse à Téhéran.

Pour le porte-parole du ministère des affaires étrangères, « évoquer le rôle de l’Iran vise à détourner l’opinion publique et à justifier les éventuelles prochaines actions » d’Israël.

La mission permanente de l’Iran à l’ONU avait affirmé dans la nuit de dimanche à lundi que Téhéran n’était « pas impliqué dans la réponse de la Palestine », réfutant des informations publiées par le Wall Street Journal. Un haut responsable américain avait indiqué samedi qu’il était « trop tôt pour dire » si l’Iran était « directement impliqué » dans l’offensive lancée par le Hamas. Il a toutefois ajouté qu’il n’y avait « pas de doute » sur le fait que le Hamas était « financé, équipé et armé » entre autres par le régime de Téhéran.

Le maintien en l’état du conflit israélo-palestinien, plus que la destruction d’Israël en elle-même, est l’obsession de la République islamique d’Iran, comme le rappelait récemment Mediapart.

La rédaction de Mediapart et Agence France-Presse

Images liées:

Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée.