J.-M. Matisson est l’un des quatre premiers plaignants de l’affaire Papon, avec d’autres membres de sa famille, la première à se porter partie civile. Il livre un récit du procès de l’ancien préfet de Paris, jugé et condamné au terme de vingt ans de procédure à dix ans de réclusion pour crime contre l’humanité, et restitue les pièces de la procédure, de l’acte d’accusation à la sentence.

Maurice Papon fut ce secrétaire général de la préfecture de la gironde qui pendant la guerre de 39/45 apporta le concours des moyens de l’état français à l’arrestation et la déportation de 1597 personnes juives pour la plupart. Il ne fut pas inquiété après la guerre et fit une belle carrière politico-industrielle sous les auspices de la droite jusqu’en  1981, quand son passé et sa signature ont ressurgi au bas d’archives qui poussèrent des descendants des victimes à déposer des plaintes contre lui.

L’affaire dura 15 ans  jusqu’en 1996 quand Maurice Papon est renvoyé devant les assises de la Gironde pour crimes contre l’Humanité. La suite c’est un procès fleuve de 6 mois, Maurice Papon en sort condamné à 10 ans de réclusion criminelle.

                 Remettre des pendules à l’heure 

Alors me direz vous, un nouveau livre, un de plus  sur une affaire déjà ancienne ? C’est vrai mais l’intérêt de celui-ci, c’est qu’il est écrit en quelques sortes de l’intérieur et par l’un des seuls survivants du groupe qui fut au départ de l’affaire Papon..

 En effet , Avec Michel Slitinsky, Esther Fogiel et Maurice David Matisson son père, Jean-Marie Matisson fait partie des tous premiers plaignants contre Papon, une dizaine de membres de la famille Matisson a péri dans les camps.

Jean-Marie Matisson qui a chroniqué le procès sur son site internet familial veut avec ce livre remettre quelques pendules à l’heure et rendre à César ce qui lui appartient, « faire la vérité dit-il sur  le nombre de convois, de raflés  et de déportés. »

                  Quelques vérités bonnes à rappeler

Vérité sur la paternité de l’affaire, qui est pour lui  la conjonction de trois hommes : Gérard Boulanger, Michel Slitinsky et Maurice David Matisson .

Vérités sur le  rôle des différents avocats des parties civiles, et notamment celui, nocifs, des  Klarsfeld.

Des parties civiles partagés entre ceux de Bordeaux, de Mériadeck plus précisément, ashkénazes arrivant des pays de l’Est, souvent communistes, des  pauvres , pas du tout religieux, défendus ici essentiellement par Gérard Boulanger. Et puis les autres, plutôt séfarades, plutôt riches, principalement défendues par les Klarsfeld. Ceux-là sont arrivés  tard dans la procédure, tout comme les instances religieuses juives, souvent à reculons pour ces dernières.

C’est donc un livre puzzle , dense, plus de 500 pages, comme un best off de cette ultime confrontation de la France avec son passé collabo, avec des hommages comme celui qu’il rend à Gérard Boulanger décédé en 2018, qui était devenu son ami. Jean-Marie Matisson rappelle quelques uns des plus forts témoignages de partie civile comme ceux de son père, Maurice David et d’Esther Fogiel sa cousine.  Celui d’Esther s’achève par cette formule inoubliable : « aucune  élaboration n‘est possible après un tel désastre. Il n’y a aucun au delà à la Shoah. »

                         Crime d’état

 Il synthétise aussi quelques unes des plus fortes plaidoiries des parties civiles, celle de Michel Zaoui qui fit spécifiquement le procès du crime contre l’humanité en ces termes :

« Le crime contre l’humanité se découpe en une infinité d’ actes criminels indissociables les uns des autres. Il s’agit d’un crime collectif. Papon, qu’il le veuille ou non, a participé à cette chaîne de mort. Un crime contre l’humanité c’est un crime contre la communauté des hommes ,un crime d’état commis par un état au nom d’un état qui est devenue une puissance criminelle en inversant les règles fondamentales.»

Jean Marie Matisson raconte que maitre Varaud, l’avocat de Papon dira, après  cette ultime plaidoirie des parties civiles, « elle nous fait mal, c’est la plus dangereuse pour nous. »

Enfin, un beau moment aussi dans ce livre quand Jean-Marie Matisson confie à sa fille Alicia le soin de faire, en quelques pages le récit de l’histoire familiale, la période est passée mais le passage de relais de la mémoire est acquis, c’est aussi le rôle de ce livre utile.

                                                Jean-François Meekel

Procès Papon Quand la République juge Vichy

Jean-Marie Matisson  La Lauze 2020

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