Incarcéré sans avoir encore vu un juge, Benjamin Brière est accusé « d’espionnage » pour avoir filmé des paysages avec un drone de loisirs.

Par Ghazal Golshiri Publié hier à 01h57, mis à jour hier à 11h00

Benjamin Brière, dans une photo postée sur le compte Twitter de Saïd Dehghan, son avocat.
Benjamin Brière, dans une photo postée sur le compte Twitter de Saïd Dehghan, son avocat. TWITTER / AFP

Le cauchemar du Français Benjamin Brière, détenu dans les geôles iraniennes depuis plus d’un an et demi, est loin d’être fini. Cet homme de 36 ans est en grève de la faim depuis le 25 décembre dans la prison de Vakil Abad, à Machhad (nord-est). La raison : les mauvaises conditions de sa détention, notamment sa privation du droit de téléphoner à ses proches pour les fêtes de Noël, ont confirmé sa famille et son avocat iranien, Saïd Dehghan.

« Qu’attend le tribunal révolutionnaire de Machhad [en charge du dossier] pour étudier les accusations politiques retenues contre Benjamin Brière, qui est maintenu en détention depuis 570 jours ? », peut-on lire sur le fil Twitter de l’avocat, faisant référence au fait que le Français n’est toujours pas passé devant un juge.

Benjamin Brière a été arrêté en mai 2020, alors qu’il effectuait un voyage à travers l’Iran à bord d’un van aménagé. Les chefs d’accusation retenus contre lui font état d’« espionnage » et de « propagande contre le système » politique de la République islamique d’Iran. Il lui a notamment été reproché d’avoir pris des photographies de « zones interdites » en Iran avec un drone de loisirs. Lui a toujours nié ces accusations, et son avocat maintient que le drone était un appareil simple, largement utilisé en Iran pour photographier les paysages ou des cérémonies comme les mariages.

Accusations « incompréhensibles »

Le Quai d’Orsay a, de son côté, jugé « incompréhensibles » les accusations retenues contre le Français. Lundi 27 décembre encore, le ministère des affaires étrangères a annoncé suivre son cas avec « la plus grande attention » et avoir des « contacts réguliers » avec lui, au titre de la protection consulaire. Selon la diplomatie française, la dernière visite consulaire date du 21 décembre et le prisonnier a été contacté par l’ambassade lundi.

« J’ai eu Benjamin au téléphone il y a dix jours, explique, quant à elle, sa sœur, Blandine Brière, jointe par téléphone. Il commence à sombrer, car les conditions de sa détention sont toujours les mêmes et il subit des tortures psychologiques : du jour au lendemain, il se voit privé d’appels téléphoniques, idem pour son accès aux livres. Il est dans une prison où personne ne parle sa langue et où il existe des condamnés à mort qui disparaissent du jour au lendemain. Il ne peut pas me donner les détails au téléphone, parce que les conversations sont enregistrées et ensuite traduites. Sa grève de la faim est son dernier recours pour protester contre la violation de ses droits. »

Outre Benjamin Brière – seule personne uniquement de nationalité occidentale en prison en Iran dont on ait connaissance –, ce pays détient au moins une dizaine de citoyens iraniens ayant une deuxième nationalité, non reconnue par les autorités du pays. Téhéran utilise régulièrement les prisonniers binationaux comme monnaie d’échange dans ses contentieux politiques et économiques avec l’Occident. Le dernier exemple concerne la chercheuse australo-britannique Kylie Moore-Gilbert. Emprisonnée pour « espionnage » au profit d’Israël depuis deux ans, elle a été relâchée en 2020 en échange de trois Iraniens, incarcérés en Thaïlande pour une tentative manquée d’assassinat contre des diplomates israéliens en 2012.

La situation de l’anthropologue franco-iranienne Fariba Adelkhah, autre citoyenne binationale incarcérée, ne cesse de susciter l’inquiétude de ses proches. La chercheuse, condamnée à cinq ans de prison pour« propagande » et « collusion en vue de porter atteinte à la sécurité nationale », est assignée à résidence à Téhéran depuis octobre 2020, après seize mois passés derrière les barreaux. Lire aussi (2020) :

Le sort du Français et des autres Occidentaux détenus en Iran pourrait être lié à celui d’un diplomate iranien en poste à Vienne, Assadollah Assadi. Ce dernier a été condamné, en février, à vingt ans de prison par la justice belge pour avoir orchestré une tentative d’attentat en France contre les Moudjahidin du peuple (un groupe d’opposition au régime iranien), déjouée in extremis en juin 2018. Depuis, Téhéran ne cesse de réclamer sa libération.

Ghazal Golshiri

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