La restitution de 26 œuvres au Bénin, qui doit avoir lieu le 9 novembre, est un geste politique mais aussi la reconnaissance du travail d’historiennes et d’historiens sur les décennies coloniales et qui ont établi bien des vérités douloureuses, au risque de déplaire.

Publié le 23 octobre 2021 à 10h25 Temps de Lecture 2 min.

Editorial du « Monde ». Le 9 novembre, pour la première fois dans l’histoire des musées français, 26 œuvres conservées jusque-là au Musée du quai Branly, à Paris, devraient quitter la France pour devenir la propriété du Bénin. Ces statues et trônes avaient été pris en 1892 dans les palais royaux d’Abomey, lors de la conquête du royaume par les troupes de la IIIe République. Un butin de guerre est ainsi enfin rendu à son pays d’origine.

Pour cela, il aura fallu l’insistance du président béninois, Patrice Talon, et le discours d’Emmanuel Macron, à Ouagadougou, en 2017, prenant parti pour la restitution à l’Afrique de son patrimoine. Ce discours a été suivi du rapport Savoy-Sarr, remis à l’Élysée en 2018, proposant trois phases pour les restitutions. Il aura encore fallu une loi votée en décembre 2020 pour permettre le transfert d’œuvres d’un État à un autre, contre le principe selon lequel les collections nationales sont inaliénables et rien ne peut en être soustrait.

Que la restitution des œuvres béninoises relève de la volonté politique de la France d’améliorer son image en Afrique, cible de multiples rivalités géopolitiques, et de rompre avec l’ère malsaine de ce qui fut la « Françafrique », le fait n’est pas douteux. Mais ce geste marque d’abord publiquement un respect de l’autre, à rebours des vieilles habitudes de mépris.

Ainsi se trouvent reconnus les historiennes et historiens de toutes nationalités qui travaillent de longue date sur les décennies coloniales et ont établi bien des vérités douloureuses, au risque de déplaire. Ce point est d’autant plus important que ne cessent de s’accroître aujourd’hui les polémiques sur les études postcoloniales. Il ne s’agit cependant que de dire ce qui s’est passé : au Bénin, une campagne militaire et un pillage en règle.

Il existe d’autres cas du même ordre, tel celui du « tambour parleur » du peuple ébrié, vivant dans la région d’Abidjan, qui fut confisqué en 1916 par l’autorité coloniale. La Côte d’Ivoire en a demandé le retour en 2018, lequel a été annoncé par Emmanuel Macron le 8 octobre lors du sommet Afrique-France à Montpellier.

Un mouvement plus général

Le processus français de restitution n’en est donc qu’à ses premiers pas. Il s’inscrit dans un mouvement plus général : le réexamen des provenances et des conditions des collectes est devenu en une décennie une exigence dans les musées des anciennes puissances coloniales. Avec plus ou moins de rapidité et de volonté d’aboutir selon les pays : si le visiteur du Grassi Museum, de Leipzig, en Allemagne, ne peut ignorer que les bronzes de Benin City qu’il admire ont été pillés lors d’une expédition britannique en 1897 parce que présentations et textes de salle le rappellent, celui du British Museum, de Londres, risque de n’en rien savoir, tant les cartels d’autres de ces bronzes sont discrets.

En avril, l’Allemagne a annoncé qu’elle s’engageait dans un processus de restitution au Nigeria des pièces de ce type en sa possession ; ce pays a commencé la construction d’un musée qui devrait être achevé en 2024 pour les recevoir.

Ce processus, légitime et de plus en plus international, serait-il donc désormais irréversible ? Le 13 octobre, le Sénat a proposé la création d’un « Conseil national de réflexion sur la circulation et le retour de biens culturels extra-européens », selon son titre complet, afin de résister à ce qu’il qualifie de « fait du prince » : il s’agirait de « contribuer à préserver le principe d’inaliénabilité des collections » des musées de France. On est loin d’en avoir fini avec cette question

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